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succèdent sans que l’on ait l’impression de se rapprocher du village de Vélika dont, à nos pieds, les maisons s’espacent sur une riante colline aux bords du Lim. Il semble que jamais on n’aura Uni de descendre de ces hauteurs du Tchakor ; enfin, après trois heures d’une marche épuisante, le han de Vélika est atteint. Les caravanes viennent se ranger sur une petite prairie que le soleil a séchée. Quelques couvertures sont jetées sur l’herbe ; des boites de conserves sont ouvertes et, après cette dure étape, on jouit d’un repos bien gagné.

Nous arrêterons-nous à Vélika, où les autorités monténégrines mettent pour la nuit quelques chaumières à notre disposition ? Continuerons-nous notre route pour arriver dans la soirée encore à Andriéwitza et y trouver un gîte plus confortable ? On s’informe ; les renseignemens obtenus concordent ; le chemin est excellent ; en quatre heures au plus, on sera à Andriéwitza. On se décide donc à refuser l’hospitalité des autorités de Vélika, et, oubliant les sept heures de marche faites depuis le départ de Biéloukha, on remonte à cheval.

Par ses villages nombreux, ses collines boisées, la fertile vallée du Lim nous charme, après les régions sauvages et désertes que nous venons de traverser. Rien, autour de nous, ne nous donne l’impression de la guerre, et pourtant l’ennemi est menaçant, car, dans le lointain, le canon se fait entendre. Mais la route s’allonge, le jour tombe ; il y a quatre heures déjà que nous sommes à cheval, et Andriéwitza ne se montre pas encore. Le Lim, dont nous suivons le cours, s’engouffre dans une gorge resserrée entre deux montagnes boisées. La nuit nous surprend en pleine forêt. Notre caravane n’avance plus qu’à grand’peine. Le sentier raviné, coupé par de récentes pluies torrentielles, est devenu périlleux ; dans le précipice, le Lim multiplie ses sinuosités, et après que nous avons enfin, pour la première fois, aperçu dans la nuit les lumières d’Andriéwitza, il nous faut encore faire d’interminables détours pour atteindre le pont qui nous permettra d’entrer dans la ville.

À huit heures du soir, après cette journée de treize heures de marche, dont sept à pied et six à cheval, nous arrivons à la modeste, mais très propre auberge, où les autorités monténégrines ont fait préparer nos chambres. Nous avons la surprise d’y trouver de réconfortantes provisions, que les ministres alliés de Cettigné ont eu l’amicale pensée d’envoyer avec leurs souhaits