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on a voulu calmer notre impatience. Il ne fallait pas, par des décisions hâtives, exposer ceux que nous nous proposons de servir à des périls contre lesquels on ne serait pas en mesure de les défendre. Les coalitions, d’autre part, sont (combien de fois ne l’avons-nous pas nous-même remarqué !) de lourdes et lentes machines, très difficiles à mettre au même point pour une action commune. Soit! mais, premièrement, le pire péril pour nos cliens était que nous ne fissions au plus tôt rien pour eux; et deuxièmement, c’est dans une coalition surtout qu’on prouve le mouvement en marchant: que l’un s’ébranle, les autres suivent ; si l’on s’attend mutuellement, personne ne bouge. Il n’y a pas de force démonstrative comparable au fait accompli. Ce ne sont point, comme quelques-uns l’insinuent, les moyens d’action immédiate qui auraient manqué : car comment admettre que l’amiral Dartige du Fournet, adressant au Gouvernement grec un ultimatum à échéance du vendredi 1er décembre, ne se soit pas préoccupé d’avoir, le vendredi 1er décembre, les moyens d’en assurer l’exécution ? Il est tout de même des choses que la fierté française ne supporterait pas.

Elle est désormais en éveil, et d’autant plus « sur l’œil, » que, dans les affaires de Grèce, il lui a paru sentir se lever, parmi l’orage, un léger vent de ridicule. Quand nous avons regardé vainement vers Athènes, nous nous retournons ici vers le gouvernement. Qu’a-t-il, non pas dit, mais fait, et que va-t-il faire ? Des réparations, des satisfactions ? Par quoi satisfera-t-on et réparera-t-on les morts ? Par quoi expiera-t-on dix-huit mois de perfidie, de moquerie et de duperie ? L’entente a décrété le blocus des côtes grecques ; prise et exécutée l’été passé, la mesure eût pu être efficace : on eût peut-être, en lançant alors l’interdit sur les quatre ports, Patras, Calamata, le Pirée et Volo, amené à composition ce pays qui ne vit que de la nourriture que la mer lui apporte ; mais, à présent, il serait trop tard, s’il était vrai que des réserves aient été faites au détriment de l’alimentation des îles suspectes d’infidélité, et que le gouvernement royal ait détourné ou diminué leur part pour combler les manquans de ses magasins militaires. En outre, les Puissances protectrices et leurs alliés ont déclaré, presque sans circonlocution, rendre le roi Constantin personnellement responsable des forfaits commis et du sang versé. Mais, si cette parole officielle a un sens précis, où joindre personnellement le roi Constantin ? Il serait plus malaisé d’aller le chercher à Larissa, au milieu de son armée, qu’à Athènes, dans son palais. Pas d’hésitation qui serait défaillance, pas de délai qui serait faillite. Frapper haut, frapper fort, frapper vite, est la triple règle de ces œuvres