Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 36.djvu/928

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
REVUE DRAMATIQUE


COMEDIE-FRANÇAISE : Reprise du Chandelier. — PORTE-SAINT-MARTIN : L’Amazone, pièce en trois actes de M. Henry Bataille.


C’est ici même, dans la livraison du 1er novembre 1835, que parut le Chandelier. Musset avait vingt-cinq ans, et c’était, depuis dix-huit mois, la cinquième pièce de cette merveilleuse série des Comédies et Proverbes, honneur de la Revue qui l’a publiée, l’un des bijoux de notre littérature dramatique. De toutes ces pièces et de celles qui allaient suivre, aucune n’a été écrite pour la scène et chacune est un chef-d’œuvre ; et si chacune est un chef-d’œuvre, c’est — en partie — parce qu’elle n’a pas été écrite pour la scène. Je m’en rapporte à l’opinion d’un homme de théâtre, à vrai dire un peu parent de Musset. M. Maurice Donnay a écrit : « Musset ne songe pas au public, ni à la critique, ni aux directeurs, ni au Comité de lecture : il est libre. S’il veut, dans Fantasio, décrire un tableau hollandais, il ne craint pas qu’un directeur lui dise : « C’est très joli, mais cela fait longueur et cela n’a aucun rapport avec l’action ; » ce tableau, il le met là, parce que ça lui plaît. Se faire plaisir à lui-même, c’est sa seule loi, son unique règle. Rien dans ce théâtre n’a un caractère d’obligation, et c’est une des raisons de son charme. Il ne pense pas non plus à tel ou tel acteur, à telle ou telle actrice dont il s’agit d’utiliser les qualités ou les défauts. Jeune premier, grand premier rôle, second comique, financier, rôle à manteau, jeune première, grande coquette, première ou seconde ingénue comique, cela n’a aucune signification pour lui. Il fait avant tout les personnages de sa comédie, des amans et des grotesques. Il ne songe pas non plus à la recette, ce qui avilit toujours l’art ; il ne s’occupe pas de tenir toute la soirée ; si son sujet ne