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d’inventaire, de classement, de publication qu’est subordonné tout progrès réel de la science.

M. de Vogué y invitait les jeunes, lui-même donnant l’exemple. En 1906, il emprunte à ses archives ces deux volumes sur Une famille vivaroise dont il fait le livre d’or de sa maison. Précédemment, il avait publié la correspondance du duc de Bourgogne et du duc de Beauvilliers, et un de ses derniers travaux fut de surveiller l’édition complète des lettres du malheureux prince. Seules, de bonnes publications permettent d’utiles monographies : celles d’un homme, d’une famille, d’un pays. Ne dédaignons pas ces miettes de l’histoire ; d’elles se forme la vérité. Et ceux-là en connaissent le prix qui n’oublient point à quelles conditions un peu de synthèse nous est possible. N’est-ce pas Renan qui a écrit dans l’Avenir de la Science : « Ces travaux spéciaux sont les plus importans de tous, ceux qui supposent le meilleur esprit ? »


En 1852, le coup d’État avait rejeté M. de Vogué vers la science : en 1870, la guerre et la chute de l’Empire le font rentrer dans l’action.

Il ne songeait guère à la politique. Ce fut elle qui vint le prendre, au lendemain du désastre, au sortir des champs de bataille où il s’était prodigué dans l’assistance aux blessés. Thiers se rappela le jeune diplomate. Le 9 mars 1871, il l’envoyait comme ambassadeur à Constantinople. Quatre ans plus tard, le marquis de Vogué passait à Vienne. Quels services il rendit alors, ici, dans la défense de notre protectorat religieux, là, dans la surveillance attentive des grands événemens qui devaient se dénouer au Congrès de Berlin, la publication de ses dépêches nous l’apprendra un jour. Qu’il nous suffise de dire qu’ayant su gagner la confiance de l’Empereur, et non moins clairvoyant qu’habile, il avait pénétré les desseins qui allaient peu à peu préparer le glissement de la monarchie dualiste vers l’Orient. Cette politique de conquête, moins destinée à affranchir les Slaves qu’à les dominer, avait déjà paru, à ses yeux, mettre en péril la paix de l’Europe. À ce moment même, M. de Vogué allait être exclu des conseils de la France. Au début de 1879, après la chute du maréchal de Mac Mahon, il offrit sa démission ; cette démission fut acceptée et il rentra à Paris.