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Lamartine son expression la plus sincère et la plus pure. Ce qu’a été pour les contemporains cette poésie lamartinienne, personne peut-être ne l’a mieux dit qu’un critique, aujourd’hui bien oublié, mais qui ne pouvait se rappeler sans émotion le jour de sortie où, jeune collégien, ayant acheté « par hasard » le petit volume des Méditations, il y trouva rassemblés « tous les sentimens de l’âme et toutes les passions du cœur, tous les bonheurs de la terre et les ravissemens du ciel, toutes les espérances du temps présent et toutes les inquiétudes de l’avenir. » Et ce ne sont pas seulement les lecteurs français et étrangers de 1820 qui pensent là-dessus comme Jules Janin. Sait-on que, de 1905 à 1914, en neuf années, une seule librairie parisienne a vendu plus de 42 000 exemplaires des seules Méditations ? Il faut croire que depuis près d’un siècle on n’a pas cessé de voir et d’aimer dans les vers de Lamartine l’homme moderne au complet, dont le poète, en se chantant lui-même, nous a tracé l’idéale et pourtant ressemblante et vivante image.

Et ne peut-on pas en dire autant des romans de George Sand, celui de tous nos écrivains qui, pour l’élégante fluidité du style, la générosité de la pensée, et peut-être même le tempérament moral, rappelle le mieux Lamartine ? Elle a écrit plus de cent romans, d’inspiration fort différente, qui ont enchanté, séduit, consolé plusieurs générations de lecteurs. Est-il bien sûr, comme on le dit quelquefois, qu’on ne les lise plus de nos jours ? Qu’il y ait des parties caduques dans une œuvre aussi considérable, c’est ce qui ne saurait nous surprendre. Mais tant qu’il y aura des hommes, et qui rêvent, et qui aiment, on lira ces livres, j’allais dire ces poèmes, où se sont exprimés avec une fidélité presque naïve les rêves, souvent contradictoires, les aspirations sentimentales, les inquiétudes intellectuelles et sociales de l’inquiète humanité.


Mise au centre de tout comme un écho sonore,


l’âme de George Sand a été la mystérieuse lyre à sept cordes dont elle parle dans l’un de ses livres, et dont seule la pupille de maître Albertus sait tirer une magnifique harmonie.

« Tout ce qui est d’intérêt général et intéresse l’esprit humain, a dit Sainte-Beuve, appartient de droit à la littérature. » Et n’est-ce pas la définition même ou la devise de sa critique ? L’auteur du Port-Royal et des Lundis a été infiniment