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LA CIVILISATION FRANÇAISE[1]


Plus je vis l’étranger, plus j’aimai ma patrie.
(Du BELLOY.)
Et plus je suis Français, plus je me sens humain
(SULLY PRUDHOMME.)


« Ah ! monsieur, on doit le dire, les Français ont plus d’humanité que les autres. » Ce mot d’un sous-officier prussien dans le livre Au service de l’Allemagne, je n’en veux point chercher d’autre pour symboliser ce qui me paraît être le caractère original et foncier, la tradition constante de la civilisation française.


I

En littérature, d’abord. La littérature est-elle l’expression de la société ? Elle est, en tout cas, l’expression la plus spontanée, parce qu’elle est la moins systématique, du génie particulier, des tendances instinctives d’un peuple.

Qu’il y ait, dans la littérature française, « plus d’humanité » que dans les autres littératures modernes, c’est, je crois, ce qui ressort d’un examen, même superficiel, de ces diverses littératures. Nos écrivains sont moins artistes que les Italiens, moins mystiques que les Russes, moins poètes que les Anglais, moins philosophes que les Allemands, moins romanesques que

  1. L’Académie française avait choisi comme sujet du concours pour le Prix d’éloquence à décerner en 1916 : la Civilisation française. Nous sommes heureux de donner ici le « Discours » qui a obtenu le prix et dont l’auteur est notre collaborateur M. Victor Giraud.