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des succès de l’Empereur et des preuves de zèle et de dévouement que tu lui donnes. Je fais part de ta lettre à Hortense qui en sera aussi heureuse que moi. Ma santé est assez bonne. Les eaux d’Aix m’ont fait beaucoup de bien, mais le froid m’en a chassée. Je suis venue ici me reposer quelques jours avant de retourner à Mal maison. Auguste m’écrit souvent. Elle continue à se bien porter, quoiqu’elle ait été comme moi bien inquiète. Je te remercie de tout ce que tu me dis d’aimable sur le souvenir que l’on veut bien garder de moi à Milan. J’ai reçu beaucoup de témoignages d’affection, mais je ne me fais pas illusion, mon cher fils ; c’est à toi seul que je les rapporte. Je ne les dois qu’à l’attachement qu’on y a pour toi et au soin que tu prends pour répondre du mieux qu’il est possible à la confiance de l’Empereur. Je sais que tes enfans ne m’oublient pas, c’est ce qui me touche le plus. Auguste m’a mandé que ton fils, en priant pour toi et pour elle, avait ajouté de lui-même et pour l’autre maman. Cela est charmant ; je ne peux plus l’embrasser ni lui ni ses sœurs, mais je pense souvent à eux, comme je pense à mon Eugène, au fils le plus tendrement aimé.

« JOSEPHINE. »


L’Impératrice rentre à Malmaison le 25 octobre, après un voyage heureux ; elle apprend, à la porte de Melun, le drame qui s’est passé la veille à Paris : la tentative du général Malet. Elle traverse Paris qui est calme. Presque aussitôt elle écrit à son fils une lettre qui arrive droit au cabinet noir[1]. Elle lui dit : « S’il avait pu y avoir le moindre danger pour l’Impératrice et le roi de Rome, je ne sais si j’aurais bien fait, mais bien certainement j’aurais suivi mon premier mouvement, j’aurais été avec ma fille me réunir à eux. » Désormais, les lettres de Joséphine à son fils, et de son fils à elle, ne parviendront pas. Il y a trace qu’il écrit particulièrement de Posen le 6 février ; mais depuis la lettre du 10 novembre[2], point d’autre jusqu’à celle qu’on va lire.

Eugène à ce moment a quitté le commandement en chef qu’il a exercé du mieux qu’il a pu, dans les conditions désastreuses où l’a placé le brusque départ de Murat de la Grande-Armée (16 janvier 1813). Le 30 avril, il a fait sa jonction avec

  1. Affaires étrangères. Fonds français, 1794, f° 98.
  2. Ibid., 1794, f° 108.