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REVUE SCIENTIFIQUE

LES PRÉCURSEURS DE LA GUERRE DE TRANCHÉES

Nil novi sub sole… omnia tamen semper novissima. Cette réflexion mélancolique de l’Ecclésiaste que La Bruyère n’a pas améliorée, lorsque, la paraphrasant, il assignait un peu légèrement 3 000 ans d’âge seulement à la pensée humaine ; cette réflexion, dis-je, s’applique peut-être encore plus à la guerre qu’aux autres objets communs de notre activité.

Lorsque, faisant allusion à la lutte de retranchemens présente, les stratèges en chambre, — ou plutôt, pour m’exprimer correctement, les stratégistes en chambre, — parlent d’une forme nouvelle de guerre ils font un peu trop table rase du passé. Sans remonter à Jules César et au siège d’Alésia, et à d’autres exemples fameux dont l’histoire fourmille, on voit que beaucoup plus près de nous la guerre de positions a tenu maintes fois la place principale, notamment sous Louis XIV. C’est alors que Vauban, avec son coup d’œil génial, aperçut, mieux peut-être qu’on n’avait jamais fait, l’importance des retranchemens non seulement dans la guerre de siège où il demeure le maître incontesté, mais aussi dans la guerre en rase campagne. Son volume, malheureusement inédit, « Traité de la fortification de campagne, » dont les parties essentielles ont été signalées aux spécialistes par cet esprit curieux et érudit que fut le colonel de Rochas, contient là-dessus des vérités primordiales qui sont de tous les temps. Elles sont écrites dans une langue dont Vauban lui-même disait avec la modestie sans apprêts et sincère qui était un des ornemens de son beau caractère : « Le style en est simple et grossier, mais il est d’un homme de guerre