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état de cause, il représentera une fraction notable de la fortune publique. Il sera, dès lors, nécessaire, pendant une longue période, de prélever sur les revenus de la nation des sommes considérables destinées à servir les intérêts, puis à commencer l’amortissement des capitaux empruntés. Les vainqueurs rétabliront l’équilibre bien plus vite que leurs adversaires, qui devront non seulement réparer leurs propres pertes, mais encore payer des indemnités ; le transport, de certains pays vers d’autres, de nombreux millions provoquera une rupture d’équilibre bien autrement grave qu’au cours des années qui suivirent la guerre de 1870 : il s’agit aujourd’hui de montans gigantesques, qui ne pourront pas ne pas avoir une influence profonde sur l’existence des nations intéressées et sur leur développement, au cours des prochaines décades.

Nous nous bornerons à signaler l’un des effets probables de ce monstrueux endettement. Il parait certain que le Nouveau Monde va s’intéresser d’une façon de plus en plus active aux affaires de l’Ancien et que les États-Unis de l’Amérique du Nord, longtemps débiteurs de l’Europe, vont à leur tour devenir ses créanciers. Ils achèteront une proportion plus ou moins forte, — ils ont commencé à le faire, — des rentes anglaises et françaises déjà émises ou appelées à voir le jour, exactement comme, il y a un demi-siècle, les capitalistes de Londres et de Paris faisaient l’acquisition des obligations 6 pour 100 qu’émettaient le États fédéraux du Nord en lutte contre ceux du Sud. Souhaitons que les alliés d’aujourd’hui retrouvent aussi rapidement leur prospérité que le firent les Américains après la guerre de Sécession et qu’en une période aussi courte, ils rachètent les obligations qu’ils auront placées maintenant de l’autre côté de l’Atlantique. Notre énergie n’est pas inférieure à celle des habitans de la grande République. Suivons leur exemple en ce qui concerne la gestion de leurs finances, l’amortissement rapide de leur dette, et nous serons nous-mêmes surpris de voir avec quelle vigueur, dans tous les domaines, refleuriront la force et la beauté de la France.


RAPHAËL-GEORGES LEVY.