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modalité très curieuse de cette opération a été la suivante. Au cas où la somme demandée par le ministre des Finances, M, Treub, n’aurait pas été couverte par des souscriptions volontaires, les contribuables étaient obligés de souscrire en raison de leur revenu des sommes déterminées, et ils n’auraient reçu qu’un intérêt de 4 pour 100. La clause n’a pas joué. Depuis lors, à deux reprises au printemps et à l’automne 1916, les Pays-Bas ont pu emprunter à 4 1/2 pour 100, au pair.

Nous assistons donc, dans le domaine des fonds d’État, à une évolution économique des plus caractérisées, qui est d’ailleurs la conséquence inévitable de la guerre actuelle. Logiquement, nous devons même prévoir que le mouvement s’accentuera encore : car les besoins de la guerre sont loin d’être couverts et ceux de la paix ne seront pas moindres. On est effrayé à la pensée des sommes qu’atteindront les budgets des belligérans : au lendemain du cataclysme, ils seront, au minimum, le double de ce qu’ils étaient en 1913. Comment les populations supporteront-elles des charges pareilles ? C’est alors qu’il faudra, chez les hommes d’Etat chargés de gouverner les destinées des nations, une conception puissante des plans à formuler, une vision claire des nécessités de l’heure. Avec quelle méthode il conviendra d’étudier les diverses branches de l’activité nationale et de laisser aux initiatives privées le champ le plus vaste, de façon à leur permettre de faire prospérer l’agriculture, le commerce, l’industrie, la finance ! Combien il sera nécessaire de permettre aux contribuables d’employer librement leur activité, afin de pouvoir prélever, sur leurs bénéfices, une part qui suffise aux exigences du Trésor.

C’est surtout en prévision de cette « tâche de demain » que nous avons cru utile de mettre sous les yeux de nos lecteurs un tableau sommaire des engagemens déjà contractés, au cours des vingt-huit premiers mois de guerre, par les principaux belligérans. En évaluant leurs dépenses à 13 milliards par mois, c’est-à-dire à 150 milliards de francs par an, nous sommes au-dessous de la vérité. Les impôts et autres revenus ordinaires des budgets fournissent à peine un tiers de cette somme. C’est de plus d’une centaine de milliards de francs par an que s’augmentent les Dettes publiques. Chacun peut ainsi calculer, selon les prévisions qu’il fait au sujet de la durée de la guerre, le total auquel nous arriverons à l’époque où elle cessera. En tout