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NOTES
SUR
UN AMATEUR DE COULEURS

Un après-midi du mois de juin dernier, sur la terrasse des Tuileries, dans la petite exposition de la « Cité reconstituée, » parmi les maisons légères, les granges, les magasins, modèles d’abris provisoires pour nos villes et villages détruits, eut lieu une réunion tout intime d’artistes et d’amateurs parisiens. La Société de Saint-Jean les avait invités dans l’église de bois, rêvée et construite par un de.ses membres. Sur les parois décorées sobrement, mais par un goût sûr, se déroulait pour la première fois le pathétique Chemin de Croix de M. Maurice Denis. Avant que le chant grégorien vînt animer pour quelques instans la nef ensoleillée, M. Henry Cochin demanda que l’église fût relevée promptement dans chaque paroisse dévastée, « afin que les morts ne fussent pas sans prière et les vivans sans espérance. » M. René Bazin ne se borna pas à développer ce beau texte ; il dit aux artistes qui l’écoutaient, comme à ceux qui allaient lire ses paroles dans les tranchées, ce que l’art pouvait gagner aux efforts, même les plus modestes, que ce temps douloureux leur imposait : « Vous serez pauvres, mais vous serez plus libres. Vous n’aurez pas besoin de grandes richesses, au surplus, pour faire de jolies choses ou même de belles choses. Les œuvres les plus simples et de médiocres dimensions peuvent être pleines d’émotion et de beauté. C’est le miracle quotidien des véritables artistes. Quatre murs, un toit, des fenêtres et une porte dessinés par un artiste ne ressembleront jamais à quatre murs, un toit,