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gréco-serbe et ces ordres étaient aussitôt exécutés. On a dit après coup que le Roi en avait ignoré l’envoi. C’est peu vraisemblable, et tout, au contraire, autorise à penser que ce qui s’est passé avait été combiné d’avance entre lui et son généralissime. Il a été également affirmé que les ministres seuls n’avaient pas été avertis de ce qui se préparait et qu’ils ne l’avaient appris que par la première victoire de l’armée bulgare. Le fait est possible, mais on le considérera comme douteux, si l’on veut se rappeler que Danef était lié d’amitié avec Savof et qu’ils conféraient souvent ensemble des affaires de l’Etat. On ne se figure pas un premier ministre laissé dans l’ignorance totale d’un ordre qui mettait en mouvement toute une armée. Surpris par la soudaineté d’une attaque inattendue, Grecs et Serbes battaient en retraite. Mais ce premier échec était promptement réparé ; le surlendemain, ils se lançaient sur l’agresseur, le surprenaient en train de se retirer, lui infligeaient une sanglante et irréparable défaite et le poursuivaient, l’épée dans les reins, sur la route de Sofia, irrités jusqu’à l’exaspération par cette manœuvre déloyale qu’aucun acte définitif ne justifiait quand elle s’était produite.

Ainsi, cette campagne de traîtrise longuement et sournoisement préparée aboutissait à un échec lamentable, humiliant, et fertile en calamités nouvelles. La Bulgarie, par la faute de son roi, perdait en quelques jours le fruit de ses conquêtes antérieures. Envahie par tous ses voisins, elle sortait écrasée du conflit qu’elle avait déchaîné et devait subir la loi des vainqueurs. En outre, par cette agression quasi criminelle, Ferdinand venait de se rendre odieux à l’Europe, de s’aliéner ses amis et de transformer ses alliés d’hier en ennemis impitoyables. Sa trahison du 29 juin lui a fermé les cœurs et les oreilles et a ouvert pour lui la période la plus tragique de son règne.


III

Au cours de tant d’événemens dramatiques suscités par l’esprit d’intrigue du tsar des Bulgares et par ses ambitions, la situation se compliquait, dès les premiers jours de juillet, d’une crise ministérielle, témoignage de l’impuissance où il se trouvait maintenant de diriger et de contenir les partis dont il avait jusque-là exploité les passions au gré de sa politique