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sermens les plus sacrés, la parole donnée, ne comptent pas pour lui, et qu’il n’a jamais cessé de les sacrifier à ce qu’il considère comme un intérêt dynastique.

Il en sera ainsi pendant les vingt années qui vont suivre et qui constituent l’histoire de son règne. Durant cette longue période, trois grands faits seront dans sa carrière royale comme des sommets sur lesquels, porté par des bonds successifs, il évoluera avec souplesse, pour atteindre le but qu’ont visé ses ambitions. Sa réconciliation avec la Russie en 1896, son émancipation en 1908 et la création de l’Union balkanique en 1912, sont les actes principaux de son règne. C’est à ces étapes de sa marche vers l’idéal d’indépendance et de domination qui a toujours été le mobile de sa conduite qu’il faut le suivre et l’observer, si l’on veut le bien connaître et trouver dans son machiavélisme natif la justification des défiances dont il a toujours été l’objet.

Pour les justifier, il est utile de rassembler autour de sa personnalité quelques traits qui la caractérisent.

— Il est plus séduisant qu’attachant, disait-on ; il n’appelle pas la confiance, il n’est pas sûr.

Cette opinion est unanime. On la constate dans les propos d’Edouard VIL alors qu’il était prince de Galles, et, quand il eut ceint la couronne, dans ceux du roi Carol de Roumanie, dans ceux même de Guillaume II, dans le langage des Français que leur dévouement au descendant des Bourbons avait réunis à la cour de Sofia. Il n’est pas un seul de ceux-ci qui n’ait été maintes fois déconcerté par les allures du prince qu’il servait et qui n’en ait fait ultérieurement l’aveu. C’est en le voyant s’enorgueillir d’avoir dans les veines du sang de la maison de France et en l’entendant protester de son amour pour la patrie de sa famille maternelle qu’ils se sont laissé tromper. Il affirmait ce sentiment en toutes circonstances et sous toutes les formes, tantôt par l’abondance des trophées commémoratifs d’un passé de gloire dont il avait orné son palais et par la complaisance avec laquelle il les offrait à l’admiration de ses visiteurs, tantôt par les attitudes qu’il savait prendre lorsqu’il foulait le sol du noble et grand pays où ce passé s’est déroulé et qu’il affectait de considérer comme le sien. Quand, pour la première fois, il vient officiellement à Paris, il descf3nd de voiture avant de franchir le seuil de la résidence où le gouvernement de la République lui offre l’hospitalité, s’arrête entre les deux officiers de