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de pèlerinage, qu’ils accompliront avec le pieux concours des âmes croyantes. Par un tel document, ils affirment, vis-à-vis de leurs ouailles et vis-à-vis des catholiques des pays neutres, la certitude où est l’épiscopat de France d’avoir bientôt des actions de grâces à rendre : c’est aider à la victoire, et c’est même l’accélérer, que de l’escompter avec cette sereine sécurité. Le nom du sanctuaire vers lequel s’ébranlera la France est familier à la piété universelle ; il était même très familier, dans les années qui précédèrent la guerre, à la piété catholique allemande ; et ce nom évoque dans toutes les pensées catholiques, à quelque nationalité qu’elles appartiennent, l’idée d’une certaine trame surnaturelle sur laquelle à travers les siècles s’est déroulée l’histoire de notre France, élue comme terre de miracles par les complaisances divines. A l’arrière-plan du geste épiscopal qui commande la prière française, surgit tout un passé de grâces qui garantit à la France un avenir de grâces ; et pendant qu’au jour le jour l’histoire nationale enregistre l’aide quotidienne que se donne la France, l’épiscopat développe les raisons surnaturelles de compter sur l’aide de Dieu, et de la mériter, et de la célébrer.


Voilà vingt-huit mois que la guerre se prolonge, et depuis vingt-huit mois l’Eglise de France s’est intimement mêlée à la vie du pays, à la vie du front, où l’on se bat, à la vie de l’arrière, où l’on « tient. » Elle est théoriquement séparée de l’État, théoriquement l’Etat l’ignore ; mais ce sont là des abstractions qui, sous la pression des faits, dépouillent quelque chose de leur rigidité. L’Eglise de France, au cours de cette guerre, a pu mesurer elle-même et faire mesurer aux Français la place qu’elle occupe dans la vie nationale. Il a suffi qu’un homme d’État, quels que fussent ses propres sentimens, trouvât et prononçât le mot d’Union sacrée pour que, du jour au lendemain, l’Église, en un certain nombre d’endroits, fût invitée à redevenir la collaboratrice normale de la bienfaisance officielle, et pour qu’ouvertement elle invitât ses fidèles à répondre avec une sollicitude particulièrement docile aux appels fiscaux de l’État. Il y avait quelque péril pour l’Église à paraître s’intéresser aussi activement aux souscriptions des emprunts. Une rumeur cheminait d’après laquelle c’étaient les curés qui avaient fait la guerre, rumeur inique, qu’enrayaient