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au mouvement de sympathie cordiale, éclairée, qui récemment poussait vers Paris quelques-uns des représentans les plus éminens de la pensée espagnole.

Plusieurs évêques, avec leur autorité de pasteurs, s’efforçaient, à leur tour, de dessiller les yeux des catholiques étrangers. Conservant sous le fracas des obus le loisir d’esprit nécessaire à la besogne théologique, Mgr Lobbedey trouvait dans le Syllabus du pape Pie IX la condamnation des maximes de violence au nom desquelles l’Allemagne s’érige au-dessus des lois. « Le droit consiste en un fait matériel, et tous les faits humains ont force de droit, » murmuraient déjà certains philosophes aux oreilles de Pie IX, avant que l’Allemagne de Bismarck, avant que l’Allemagne de Guillaume II, n’eût fait de ce principe sa règle d’action ; et Pie IX les condamnait. Il frappait aussi, du haut de son magistère, d’autres aventuriers de la pensée, qui osaient dire qu’il n’était nullement nécessaire que les lois humaines fussent conformes au droit naturel, et qui, d’avance, légitimaient ainsi les crimes juridiques multipliés par la conquête allemande. « La violation des sermens les plus sacrés, continuaient-ils, et toute action, même criminelle et scélérate et opposée à la loi éternelle, non seulement n’est pas blâmable, mais elle est tout à fait licite et digne des plus grands éloges, quand elle est inspirée par l’amour de la patrie. » Et l’anathème dont Pie IX avait frappé cette cynique formule avait affermi les assises du vieux droit des gens. Mais la Germanie, une fois de plus, se révélait rétive aux avertisse-mens de Rome ; et lorsque le professeur catholique Ebers, lorsque le député catholique Erzberger, glorifiaient au nom de leur patrie la criminelle violation de la neutralité belge, Mgr Lobbedey leur opposait les malédictions de l’Église contre les insulteurs du droit. D’avance, elles s’étaient insurgées contre eux, dans ce Syllabus dont une certaine « conscience moderne » s’était autrefois déclarée surprise, et d’avance elles appuyaient les propres soulèvemens de cette conscience contre la barbarie de la Kultur, — issue d’une philosophie pour laquelle on avait eu de si longues indulgences.

C’est à cette philosophie même que Mgr du Vauroux, évêque d’Agen, et Mgr Chapon, évêque de Nice, demandaient des comptes pour les gestes de l’Allemagne. L’article que Mgr Chapon publiait au Correspondant sur le pangermanisme était l’occasion