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Havre, M. l’abbé Lenfant, sous le titre : Notes d’un prêtre mobilisé. Les prêtres qui s’ennuient dans les hôpitaux de l’arrière trouveront dans l’exemple de ce confrère d’excellentes méthodes pour cesser de s’ennuyer et recommencer d’être utiles.

Je sais d’ailleurs que, si fécondes soient-elles, ils continueront d’envier les privilégiés qui purent, à la faveur de leur âge et des circonstances, se faire enrôler dans l’aumônerie militaire par le comte Albert de Mun et M. Geoffroy de Grand-maison. Être au front, courir tous les risques, les chercher même pour trouver les âmes, et dans ce cadre tumultueux voir se multiplier avec une richesse inouïe, sans cesse renaissante, les occasions d’agir en prêtre, se mettre à quatre pattes s’il le faut, pour aller confesser là-bas, dans la plaine ensanglantée, le blessé qui se meurt, voilà le partage de l’aumônier.

Frédéric Bouvier, Jésuite, connu du monde savant pour l’organisation des Semaines internationales d’ethnologie religieuse, est tué à Vermandovillers en assistant des blessés ; Albert Perrot, Jésuite, arrive de Chine, au moment de la mobilisation, pour secourir sur les champs de bataille les âmes de France, et mourir lui-même parmi tant de mourans ; Yves Marie Gauthier, Jésuite, aumônier militaire, décoré, cité quatre fois à l’ordre, brave un tir de barrage à Fleury sous Verdun et y succombe ; le philologue Roiron, Jésuite encore, s’expose au même péril à Saint-Hilaire-le-Grand, et recueille la mort ; Frank de Contagnet, Jésuite, revenu de Césarée en Cappadoce pour être l’un des aumôniers de notre expédition d’Orient, est tué à Gallipoli, à l’attaque des tranchées. Ne croyons pas que dans l’attaque l’aumônier joue forcément un rôle passif, et qu’il soit simplement un spectateur qui bénit : son geste d’absolution, qui renouvelle la vie au fond des âmes, excite à braver la mort. Témoin cette admirable citation, du 7 mars 1916, qui commémore tout ensemble l’impulsion donnée par un prêtre et l’un de nos plus brillans succès de l’Argonne :


Le régiment, sous les ordres de son vaillant chef le colonel Macker, a marché à l’attaque comme à la manœuvre, malgré le feu violent de l’artillerie ennemie. Les vagues successives se sont inclinées devant le représentant de Dieu, l’aumônier divisionnaire de Chabrol, dont la main dessinait, sous la mitraille, le signe de la rédemption et de la victoire. Le Bois des Corbeaux a été enlevé d’un merveilleux élan.


Je connaissais et j’aimais cet abbé de Chabrol, qui pour