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tout au contraire elle le confirme, lorsqu’elle constate, avec une allégresse de logicienne, que des Ames qui ont des points d’attache avec l’au-delà trouvent, dans ces points d’attache mêmes, une impulsion pour la vie, et pour la mort aussi. La presse catholique tout entière s’est inclinée avec une déférence émue devant le rabbin Bloch, de Lyon, frappé mortellement à l’instant où il venait de faire à un blessé qui se mourait la plus précieuse aumône spirituelle, en lui tendant un crucifix à baiser.

Parmi l’émulation des générosités et des courages, la prépondérance numérique de la confession catholique assure aux démarches de l’Eglise de France, à ses leçons, aux exemples qu’elle donne, une répercussion plus vaste, une portée plus décisive. Il convient d’en esquisser en quelques pages l’émouvante histoire.


I

Le dernier jour de juillet 1914 mit la France entière en branle. L’Eglise, depuis un demi-siècle, gémissait sur la disette des vocations ; elle la déplorait comme un « grand péril. » Les effectifs sacerdotaux étaient déjà fort réduits ; la mobilisation allait y faire des brèches, que la mort, peut-être, rendrait irréparables. L’Eglise cependant répondit par un Fiat voluntas à l’appel national. Les armées ou les ambulances lui demandaient un tiers à peu près de ses prêtres : elle les donna. Elle se mit à la gêne, comme toutes les organisations du pays. Il y eut aux environs de Reims tel doyenné où il ne restait que le doyen ; un prêtre de ce diocèse fut, pendant tout un hiver, chargé à lui seul du soin de neuf paroisses. A Paris, le curé de Sainte Marguerite, pasteur de 100 000 habitans, fut bientôt seul avec deux vicaires, les neuf autres prêtres étant partis. Les sacrifices du diocèse de Paris furent d’ailleurs étrangement lourds : à la date du 15 mars 1916, il devait compter 662 prêtres et séminaristes mobilisés, dont 386 dans la zone des armées ; et le chiffre des victimes est à l’heure actuelle de 45 prêtres, dont 40 ont succombé comme combattans et 5 comme aumôniers. Le cardinal Sevin, archevêque de Lyon, appela les laïques à la rescousse, pour qu’ils suppléassent aux apostoliques besognes d’un clergé décimé. On vit les évêques eux-mêmes, dans certaines régions, faire office de curés ; il en fut un qui,