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toujours égales. Nous le regretterions davantage s’ils étaient à jamais tombés dans le passé, et si nous ne devions plus avoir aucune raison d’y revenir. Ce n’est point le cas; et même il pourrait être prématuré, — certaines surprises des derniers jours l’ont bien fait voir, — d’en discuter ou disserter longuement. L’un de ces incidens est l’échange de notes entre l’Allemagne et la Norvège, à propos de la neutralité norvégienne. On connaît le point de départ de ce litige qui a menacé, un instant, de tourner au conflit. La Norvège, dans l’exercice le plus correct de sa souveraineté, avait décidé d’interdire aux sous-marins belligérans l’accès de ses eaux territoriales. Elle jugeait pouvoir le faire avec d’autant plus de tranquillité que la Suède, sa voisine, lui en avait donné l’exemple, et que l’Allemagne n’en avait pas caché sa satisfaction. Mais vérité en deçà du détroit, erreur au-delà. Comme, de la part de la Suède, l’interdiction profitait à l’Allemagne, dont elle mettait les navires marchands à l’abri des sous-marins britanniques, le gouvernement impérial s’est empressé de l’approuver : la même mesure, de la part de la Norvège, quand il lui a paru qu’elle favoriserait au contraire les Alliés, il l’a désapprouvée, réprouvée, a demandé qu’elle fût retirée. Peut-être sa méchante humeur couvrait-elle un mauvais dessein. La flotte allemande, et l’Empereur en tête, a pratiqué couramment, dans les croisières d’été, les fjords norvégiens. Que de nids et quels nids pour les vols de gerfauts de leurs U 29 et de leurs U 60 ! Du fond de ces entailles, avec les complicités qu’ils ont su se ménager partout, ils guetteraient venir les navires chargés et non défendus : le compte de la minuscule Norvège, si elle n’y mettait pas de complaisance, serait vite réglé; et, pour quelqu’un qui ne s’embarrasse pas de scrupules, il n’y avait que des bénéfices possibles à une opération sans risques. L’union des États Scandinaves, et notamment l’attitude très nette de la Suède, semble avoir déjoué la combinaison. Avoir devant soi, contre soi, non la Norvège toute seule, mais la Scandinavie, placée comme elle l’est, bouchant au Nord et au Nord-Ouest le ciel allemand, et faisant de la Baltique une mer entièrement hostile, retournait les conditions de l’affaire et découvrait plus de risques que de bénéfices. L’Allemagne, qui pèse et calcule, s’est radoucie; elle s’est, selon son talent, humanisée; et de Berlin à Christiania, on cause poliment. Le texte de la note norvégienne n’a pas encore été rendu public ; on la dit ferme et conciliante, en même temps ; ferme par la doctrine, conciliante dans les termes. La fermeté, vis-à-vis de l’Allemagne, est le chemin de la conciliation.

L’autre événement, sur lequel l’occasion nous sera donnée de