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frayer un chemin jusqu’au cœur de la France, et de reprendre sur de nouveaux frais la marche nach Paris, arrêtée, en septembre 1914, par la fausse manœuvre de Kluck et la manœuvre inspirée de Maunoury. Alors Douaumont et Vaux, forts cuirassés, étaient les principales citadelles de Verdun, qui était, dans tous les discours, toutes les proclamations et tous les radiotélégrammes, pour Guillaume II comme pour l’agence Wolff, « la principale forteresse du principal ennemi. » Mais, dès le sixième jour, le général de Castelnau et le général Pétain arrivaient, rétablissaient bientôt, et peu à peu renversaient la situation. A mesure que le temps s’écoulait, et qu’il devenait de plus en plus évident que Verdun, même étranglé, même mutilé, ne tomberait pas, la place, dans les bulletins fabriqués à Berlin, perdait de son importance. L’attaque de Verdun en venait à n’avoir plus été jamais une offensive, mais seulement, elle aussi, une sorte de défensive préliminaire. Tout ce que l’état-major allemand avait voulu, c’était rendre vaine la menace de Verdun contre Metz, briser la flèche sur l’arc, fermer la porte que la France s’ouvrait de là sur l’Allemagne. Douaumont et Vaux, malgré leurs coupoles d’acier et leurs fondations massives, naguère complaisamment décrites, n’étaient plus que des bicoques ou même des ruines de bicoques; et il est vrai que ce ne sont aujourd’hui que des ruines, mais elles sont françaises; c’est toujours un éperon, une crête déterre française au-dessus de la Woëvre, et, par-dessus les maçonneries écroulées, l’effort français, rendu plus puissant par son succès même, aspire toujours vers Metz, qu’on devine derrière l’horizon. Nous le savons, que nous ne reconquerrons pas notre Lorraine avec les pierres effritées de Vaux et de Douaumont ; mais nous savons aussi que, des Côtes de Meuse, rouleront en avalanche, quand il le faudra, des hommes, d’une telle qualité militaire et morale qu’ils rapporteront l’âme de la patrie aux chers pays qui nous furent volés.

On dirait que l’Allemagne cherche sur la Somme une revanche de sa déconfiture de Verdun. En tout cas, elle essaie d’y donner des réactions violentes qu’elle ne donne pas sur la Meuse, probablement parce qu’il lui est, maintenant, impossible de réagir avec vigueur sur deux points à la fois. Mais, en dépit de quelques petites fluctuations inévitables, sa résistance lui profite peu ou ne lui profite pas du tout. L’élastique de sa ligne s’étire et s’amincit de plus en plus. L’encerclement de Chaulnes, au Sud, et du Transloy, au Nord de la rivière, se dessine, comme s’était dessiné l’encerclement de Thiepval et de Combles. Et, dans la Somme aussi, la pêche est abondante.