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sera un lourd fardeau pour la génération qui vient. Mais il s’en faut que ce fardeau dépasse les forces de la nation : ce n’est pas en vain qu’elle a su, par l’industrie de ses fils, accumuler les colossales ressources que lui ont valu soixante-dix ans de libre-échange, sans parler de l’inépuisable réserve qu’elle s’est ménagée dans son magnifique empire colonial.

Cette puissance financière, ce n’est d’ailleurs pas seulement à sa richesse qu’elle la doit ; ce n’est pas non plus, quoi qu’en disent les socialistes français, à tel ou tel système d’impôts plus ou moins productif, plus ou moins discuté. Elle la doit aussi, et surtout, à son passé, à ses mœurs et ses traditions financières. On l’a dit, cette guerre est le test, la pierre de touche des finances passées de chaque pays, et « la puissance économique et financière qu’a développée chaque belligérant, témoigne non seulement de sa force ou de sa faiblesse, mais de la valeur, — bonne ou mauvaise, — de sa politique antérieure au point de vue financier et économique. » Les traditions financières de l’Angleterre ? Au Parlement comme au gouvernement, malgré les fautes commises, un fond solide de prudence et de rigueur, une haute conception de la responsabilité des dirigeans ; les finances placées au-dessus des partis, traitées au grand jour, avec compétence et gravité, grâce à un esprit public qui n’admet ni qu’on les voile par des expédiens, ni qu’on les compromette par des aventures ; le chancelier de l’Echiquier muni d’une autorité supérieure, avec pouvoirs spéciaux contre l’incurie et le gaspillage administratifs ; les Chambres privées du droit de proposer des dépenses (sauf procédure spéciale et rare) et des impôts nouveaux ; un minimum de crédits additionnels, les excédens de recettes faisant règle, l’équilibre budgétaire assuré : voilà l’exemple qui devrait inspirer en une heure difficile ceux que le peuple de France a chargés de ses intérêts, voilà le secret de la force financière de l’Angleterre.

Disons enfin que, de cette force prééminente, l’Angleterre n’a pas manqué de faire bénéficier ses alliés ; elle l’a jetée généreusement dans la balance, non seulement en faisant, comme nous l’avons dit, de grosses avances a plusieurs États amis, en ouvrant le marché de Londres à leurs besoins, mais encore en leur prêtant son concours pour faciliter leurs règlemens extérieurs. L’alliance financière n’a pas été plus que l’alliance militaire un vain mot. Nos voisins sont portés parfois à faire