Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 36.djvu/437

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pour 1916-17, le crédit ouvert se monte à 450 millions (11 milliards et quart de francs). On ne peut que rendre hommage au généreux esprit de solidarité qui a porté nos amis à s’imposer une aussi lourde et honorable charge.

Devant ce flot montant des dépenses de guerre, devant ces chiffres à défier la raison, il était naturel que l’opinion en vînt à concevoir quelque effroi. Comment supporterons-nous le fardeau ? Les guerres napoléoniennes nous ont coûté, — en vingt ans, — plus du tiers de ce qui était alors notre capital national, et l’on sait de quel poids elles pesèrent sur nos épaules, et pendant combien de temps, et comment l’Angleterre ne fut en somme sauvée que par l’avènement de la grande industrie. Du train dont vont les choses, n’est-ce pas une part plus forte encore de notre avoir que nous coûtera la guerre européenne ? Nous irons jusqu’au bout à tout prix : mais quel sera ce prix ? — De telles réflexions contribuèrent sans doute pour leur part à l’éveil de l’opinion qui marqua le printemps de 1915 : c’est le moment du torpillage de la Lusitania, de la crise des munitions, de la campagne de pessimisme du Times ; c’est aussi le moment où au ministère radical succède, sous la présidence continuée de M. Asquith, un ministère de coalition, comprenant les chefs unionistes avec les leaders libéraux, radicaux et ouvriers. Ministère de coalition : le mot sonne mal aux oreilles anglaises, auxquelles il évêque les fâcheux souvenirs de Fox et de lord North, — intrigues et factions, — ou les erremens sans gloire du « ministère de tous les talens » en 1806. Mais la situation était sans parallèle ; il fallait, en ôtant au gouvernement son caractère de parti, unir et concentrer toutes les forces politiques en vue du but unique. A l’Echiquier, M. Lloyd George, l’homme de parti d’hier qui allait remplir demain avec éclat un rôle vraiment national, céda la place à son collègue de l’Intérieur, M. R. Mackenna.

Ce qu’il y a de caractéristique dans cet éveil du pays, c’est qu’en présence des charges qui s’amoncellent, l’opinion éclairée perçoit nettement la nécessité d’une politique financière plus énergique, d’un recours plus décidé aux traditions qui, dans les temps critiques, ont fait la force du pays : pendant tout l’été de 1915, elle réclame un plus grand effort fiscal, elle pousse à l’impôt. Il y a là plus qu’une simple manifestation de zèle, comme celle de ces bons citoyens qui, d’après M. Lloyd George,