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Mais il s’en faut qu’on soit encore arrivé à la limite des distances où, avec les moyens actuels, l’artillerie pourrait tirer. Lorsqu’on appliquera aux grosses pièces la vitesse initiale de 1 200 mètres à la seconde, déjà réalisée avec certains canons de marine, on tirera bien plus loin. Même en gardant la vitesse de 900 mètres, lorsqu’on fera des canons longs plus gros que le 340 et le 380, on ira encore plus loin queux, puisque, avec un projectile plus lourd, on se rapprochera de plus en plus de la portée théorique dans le vide qui, avec cette vitesse initiale, est de plus de 80 kilomètres. Nous verrons cela dans la prochaine guerre.


Il n’y a qu’un moyen de venir à bout d’un ennemi qui vous lance de loin mille tonnes d’obus, c’est de lui en rétorquer dix mille de plus loin encore. Comme me l’écrivait, il y a bien longtemps, un des chefs dont la clairvoyante maîtrise s’est imposée au premier rang ; « Cette guerre est une question de tonnes de métal à déverser sur l’ennemi. » Ce mot du général Nivelle doit être enchâssé au centre de toutes nos pensées, jusqu’au jour où l’enclume ennemie se brisera sous le dur marteau de notre acier. La mort s’est trouvée plus douce aux Français que la seule perspective d’une génuflexion devant l’étranger. « Etre Boche ou ne pas être, » a-t-on osé leur dire. Ils ne se laisseront pas broyer entre les deux ignobles mâchoires de ce dilemme teuton. Mais, pour cela, il faut préférer le vouloir au rêve, l’action au vouloir. La Victoire n’est pas de ces petites mijaurées que quelques bouquets de fleurs rhétoriciennes rendent à merci. C’est une rude fille du peuple, musclée et fière : la poudre aux yeux ne l’impressionne que si elle est pyroxylée. Travaillons.


CHARLES NORDMANN.