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4 500 kilos à 1 kilomètre de haut ! Comment s’étonner après cela de voir des gros obus lancer à des centaines de mètres des objets d’un poids énorme, projeter comme nous l’avons vu des chevaux entiers jusqu’au sommet des plus grands arbres où leur lamentable carcasse semble celle de quelque hippogriffe tombé là du haut des nues, abattre enfin comme à Vaux, à Douaumont, dans la Somme, des constructions aux murs puissans, si bien que le terrain nivelé comme par un râteau géant n’y semble plus qu’une sorte d’épiderme rasé que les « entonnoirs « criblent comme des pores.

En réalité, dans les chiffres précédens, je n’ai tenu compte que de la force vive mécanique mise en jeu, c’est-à-dire celle qui provient de la masse du projectile et de sa vitesse. Si notre obus de 340 était en métal plein comme les anciens boulets, il aurait à l’arrivée la force vive indiquée ci-dessus ; mais cet obus n’est pas tout en métal ; il contient une charge énorme d’explosif, et la puissance dégagée à l’instant de la chute par celui-ci s’ajoute à la précédente et fait beaucoup plus que la doubler.

Quel est en effet dans les effets destructeurs des obus et dans les entonnoirs qu’ils creusent la part relative du poids et de la vitesse et celle de l’explosif ? On ne possède pas sur cette question de données précises. Mais un raisonnement simple va nous montrer que la puissance de l’explosif est très supérieure en général à la force vive mécanique. Considérons par exemple notre petit obus explosif de 75 ; la charge de mélinite qu’il emporte est plus grande que la charge de poudre qui le chasse, et dont le travail n’est dépensé que pour une moitié à la propulsion de l’obus, le reste étant absorbé par les réactions de la pièce (recul, etc.). Or les puissances totales développées par un gramme de poudre et un gramme de mélinite sont du même ordre de grandeur. Il s’ensuit que la puissance de l’explosif est très supérieure à la force vive de l’obus à la sortie de la pièce, plus de quatre fois d’après le raisonnement précédent ; a fortiori est-elle très supérieure à cette force vive, lorsque l’obus, ayant déjà parcouru une partie de sa trajectoire, sa vitesse est très réduite. C. Q. F. D.

C’est pourquoi les obus en acier auxquels on peut donner une épaisseur de parois plus petite à cause de la résistance supérieure de l’acier à la percussion, sont en principe d’une plus grande capacité d’explosif et d’une plus grande efficacité