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du terrain, ces cas sont très nombreux. C’est ce qui a amené à créer, à côté des canons lourds à grande portée, à grande vitesse initiale et par conséquent à trajectoire tendue, toute une artillerie lourde à trajectoire courbe, dont les obus retombant aussi près que possible de la verticale sont capables d’atteindre des points très défilés. Cette artillerie lourde spéciale comprend les obusiers et les mortiers qui sont en somme des canons beaucoup plus courts.

Anciennement, du temps de la poudre noire, on était convenu d’appeler obusiers les canons dont la longueur ne dépassait pas dix à douze fois leur calibre, et mortiers ceux dont la longueur n’atteignait pas dix calibres. Mais l’emploi des poudres progressives dites sans fumée, à combustion plus lente, a conduit à augmenter quelque peu les longueurs d’âme des pièces pour obtenir un effet équivalent sur les projectiles. La classification précédente n’est donc plus tout à fait exacte et, pour ne pas risquer de faire éclater son élasticité, nous dirons seulement que les obusiers sont des canons courts et les mortiers des obusiers courts.

Ce qui, par une conséquence naturelle, distingue surtout les canons des obusiers, c’est que les premiers emploient de fortes charges de poudre, ceux-ci des charges faibles. C’est parce que la charge y est faible que la longueur n’a pas besoin d’être très grande pour que toute cette charge ait eu le temps de brûler avant que le projectile ne sorte de la pièce. Cette faible charge a pour effet une médiocre vitesse initiale du projectile et partant une moindre portée. Pour atteindre un objectif donné, l’obusier devra lancer son projectile beaucoup plus haut que le canon, de même que, d’un bout à l’autre d’une large rivière, le bras vigoureux d’un athlète pourra jeter une pierre presque horizontalement, tandis qu’une petite main faible d’enfant devra la lancer très haut pour qu’elle retombe assez loin.

Le projectile de l’obusier arrive donc non plus de plein fouet et presque horizontalement, mais de haut en bas sous un grand angle. De plus, l’obusier tirant très obliquement, — car l’angle sous lequel on tire est voisin de celui sous lequel la trajectoire s’achève, — peut non seulement atteindre des objectifs très défilés, mais se défiler lui-même derrière un pli de terrain mieux et plus bas que le canon. Par exemple, tandis que, pour atteindre\in but placé à six kilomètres, l’obus du 75 ne monte