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j’ai indiqué ci-dessus quelques-unes des abréviations conventionnelles qui, dans les états-majors, servent à désigner les catégories de canons, c’est que ces désignations énigmatiques qui se multiplient chaque jour, jusque dans les conversations, finiront par faire du langage militaire une série de cryptogrammes pleins d’embûches pour les Champollions de l’avenir. Souhaitons que ce soient là les seules énigmes que cette guerre laisse en suspens.


Il est clair que les avantages de la grande portée des canons lourds ne sont pas moindres dans la guerre de position, qui se poursuit sur notre front, que dans la guerre de mouvement, dont nous avons vu, depuis deux ans et demi, maint exemple. A Verdun, sur la Somme, partout où l’on attaque et où l’on se défend, les canons lourds peuvent seuls inquiéter les ravitaillemens éloignés de l’ennemi, le couper de ses bases par des barrages puissans, démolir ses gares et ses voies ferrées, enfin et surtout contrebattre ses propres batteries à grande portée. Sans eux, celles-ci seraient les maîtresses de la situation, protégées par leur éloignement de la riposte des pièces légères, et de ce fait dispensées même de la précaution de se masquer, comme il arriva lors de la première offensive allemande de Verdun où l’on vit un moment les pièces lourdes ennemies audacieusement installées à ciel ouvert, en des points de l’horizon où nos regards seuls pouvaient les atteindre. Mais on ne reverra plus cela, maintenant que Pétain, puis Nivelle ont passé par là.

Mais il est encore dans la guerre de tranchées, à côté de la grande portée des canons lourds, un autre élément qui leur assure une supériorité : la puissance de leurs projectiles.

Un obus de 53 kilos est-il dans la bataille plus ou moins efficace que dix projectiles de 5 kg. 300 (c’est le poids de notre obus explosif de 73) ? C’est une question qui a été très agitée avant la guerre et lorsque se discutait académiquement la question de l’artillerie. Les uns répondaient par une affirmative absolue, les autres non moins âprement par la négative. La vérité, à mon humble avis, est entre les deux extrêmes, autant que le démontre l’expérience actuelle, et l’expérience, ne l’oublions jamais, prime tout syllogisme pour déceler la vérité. Contre une troupe non abritée, il est évident qu’en moyenne