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précisions sur la construction de ces engins de tranchée. On comprendra le sentiment qui nous interdit d’en rien faire. Il suffira qu’on sache que la vitesse initiale de leurs bombes est faible, d’une centaine de mètres en moyenne, ce qui permet de suivre aisément dans l’air leur vol menaçant. Quant aux effets produits, ils sont formidables, et cela n’est point pour étonner, puisque certaines de ces bombes renferment près d’un quintal d’explosif, à peu près autant que ce monstrueux obus de 400 que les visiteurs peuvent admirer au vestibule du ministère des munitions et que l’ennemi a pu voir d’encore plus près sur la Somme. Qu’il me suffise de dire que la torpille de 40 kilos fait dans le sol un entonnoir de plus de 4 mètres de diamètre et de 1 mètre de profondeur, qu’elle est capable de boucher la tranchée où elle tombe sur une longueur de 4 mètres et que les éclats, au nombre de plusieurs milliers, sont dangereux jusqu’à près de 500 mètres. D’où la nécessité d’être soi-même bien abrité quand on la tire.

Ce n’est pas seulement des canons où l’agent propulseur est la poudre, qui sont utilisés aux tranchées ; il en est d’autres aussi où la propulsion est différente, pneumatique notamment. Il convient d’ailleurs de ne pas oublier que les Boches emploient eux aussi des engins de tranchée très analogues aux nôtres. Tout ce que nous puissions faire, c’est d’en avoir un plus grand nombre qu’eux et mieux approvisionnés.

Un célèbre philosophe a écrit récemment que la guerre actuelle était une lutte de la qualité contre la quantité. Il avait peut-être raison au point de vue des théories ; mais ce ne sont point seulement des systèmes qui s’affrontent aujourd’hui sur la lisière sanglante du front : ce sont des armées, ou plus exactement des armes. Et comme leur qualité de part et d’autre est, il faut l’avouer, à peu près équivalente, c’est une guerre de la quantité contre la quantité que nous faisons. Nous serons vainqueurs parce que nous dominerons quantitativement, parce que nous aurons un plus grand nombre d’engins. Quant aux subtilités qualitatives, elles ne pourront, croyons-nous, refleurir que dans les fraîches plates-bandes de la paix retrouvée.


Mais si les engins de tranchée permettent à bien moins de frais et avec des machines beaucoup plus simples et moins