TROISIÈME PARTIE[2]
III
Hammer, le marchand de légumes, qui entendait l’autre jour un client tonner contre les Schwobs, s’est tu, prudent. Il a fini par dire :
— Moi, vous savez, pourvu que je vende mes légumes !… Que les gros se chamaillent, c’est leur affaire… Nous, on sera toujours les dindons.
Weiss, à qui Reymond rapportait ce propos, a répondu :
— Nous sommes des hommes, en Alsace, comme partout, avec un porte-monnaie et un estomac. Quelques-uns se découragent. Depuis le temps qu’on attend ! Mais il faut réagir, réagir ! Dimanche, jour du 14 juillet, je vous emmène à Belfort. Nous y oublierons Hammer et ses légumes.
… Sous la plate lueur qui précède l’aurore, somnolens, le teint gris, les yeux gonflés, le déjeuner sur les lèvres à cause des cahots, à cause des odeurs, ils sont debout dans un wagon bondé. Le train, qui n’en finit plus, court dans les prés déserts. Une gare, parfois, ce tas noir des gens qui attendent, cette rumeur qu’on perçoit dans le demi-sommeil, ces lampes qui