Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 36.djvu/300

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plus sérieuses préoccupations. Si Napoléon considère le mariage d’Eugène avec la fille de l’Electeur, passé roi par le traité de Presbourg, comme « définitivement arrangé, » il y manque le consentement de la principale intéressée, la princesse Auguste, et de sa belle-mère, née princesse de Bade. La princesse Auguste[1], après une magnifique défense, se rend le 28 décembre (6 nivôse). Encore pose-t-elle ses conditions et exige-t-elle de Napoléon la promesse formelle du trône d’Italie.

À ce moment seulement, Joséphine écrit à son fils, sans lui dire quoi que ce soit des résistances qu’elle a rencontrées, de la campagne diplomatique, et même un peu militaire, qu’elle a menée, faisant intervenir opportunément et à deux reprises (30 frimaire et 4 nivôse) l’Empereur lui-même. Ce n’est qu’après la victoire qu’elle envoie à Eugène ce bulletin :


Munich, le 7 nivôse (XIV), 28 décembre 1805.

« Il y a quelque temps que je ne t’ai écrit, mon cher Eugène, parce que je désirais toujours pouvoir t’annoncer la nouvelle de ton mariage avec la princesse Auguste. Il est enfin décidé, et l’Empereur, en s’occupant de fixer ton sort d’une manière aussi avantageuse, nous donne personnellement à tous deux une nouvelle preuve de son attachement. Je ne saurais te dire trop de bien de la jeune personne. Son extérieur est agréable ; elle peut même passer pour une belle personne, mais je m’attache bien moins à ces qualités extérieures qu’à celles de son esprit et de son cœur, puisque de ces dernières dépend ton bonheur. Tu sais, mon ami, si le cœur de ta mère s’occupe de ce soin ; mais, de ce côté, je pense, tu n’auras rien à désirer. Je vais donc te voir, mon bon Eugène. Cette époque en sera une dans ma vie que je n’oublierai jamais, et si l’avenir m’offre quelques peines par la suite, le souvenir du bonheur que j’aurai éprouvé par notre réunion m’aidera à tout supporter. Adieu, mon cher fils, crois à ma tendresse, comme il m’est doux de me rappeler celle dont tu m’as donné tant de preuves. Je t’embrasse du meilleur de mon cœur. »


Eugène pourtant attendait des nouvelles depuis près de deux mois. Et certes ces nouvelles lui importaient. Outre

  1. Voir Napoléon et sa famille, III, 170 et suiv.