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représentation diplomatique auprès des Puissances. Mais ce royaume, représentant, en somme, la seule force non prussienne du nouvel Empire, réclamait une autre garantie, décisive on peut le dire : il demandait que les Affaires étrangères de l’Empire fussent remises aux soins d’un Conseil fédéral, présidé par un ministre bavarois. Il s’agissait, sans doute, d’un organisme analogue à celui des « Délégations » en Autriche-Hongrie. Le militarisme prussien eût trouvé ainsi son contrepoids. « Il avait été question déjà de placer la commission des Affaires étrangères du Conseil fédéral sous une présidence bavaroise et du droit pour les envoyés de Bavière de remplacer les ambassadeurs en cas d’empêchement. »

Bismarck tenait, par-dessus tout, à une direction prussienne de la politique étrangère. Filant avec un art suprême cette carte qui l’intéressait personnellement, il fit semblant de vouloir accorder la représentation diplomatique et la présidence de la commission, ainsi qu’il résulte du rapport de Bray du 3 novembre. Mais dans la lettre du 11 il n’en est plus parlé. Les événemens se précipitaient. La victoire se prononçait et pesait sur les résolutions des ministres bavarois. « Bray ne put pas obtenir que fussent définies les prérogatives de la commission diplomatique, dont la présidence devait échoir à la Bavière : or, c’est ainsi seulement qu’une importance réelle aurait pu être assurée à cette commission[1]. » Fin novembre, le roi Louis insistait encore pour que ce débat fût conclu en faveur de la Bavière. Il télégraphiait à Bray, qui était toujours à Versailles : « J’attends au plus tôt un rapport spécial, dont l’envoi a déjà été demandé plusieurs fois, portant particulièrement sur les questions diplomatique et militaire. » Tout cela fut emporté par la brusque intervention de Holnstein, telle que Bismarck l’a exposée. Le ministre Bray, qui perdit vingt-quatre heures dans son voyage de Versailles à Munich, ne fut même pas consulté. La Bavière, l’Allemagne, l’Europe étaient livrées sans compensation et sans contrôle au militarisme prussien.

La source de tous les maux vient de là.

Or, puisqu’il s’agit de reprendre, avec toutes les Puissances de l’Europe, les voies normales de l’honnêteté diplomatique, il suffit de reconnaître comme nul et non existant en droit un

  1. Lorenz, p. 377.