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besoin, un gouvernement des gouvernemens; ce qui peut se traduire d’un mot : elle a des bras, il lui faut une tête.

Il faudrait bien aussi que la Grèce qui, ayant deux gouvernemens, est comme si elle n’en avait pas, en eût un certain et reconnu, un vrai et un bon. Le sphinx est toujours en travers de la route de Thèbes et nous propose toujours des énigmes. S’il devait dévorer tous ceux qui n’y peuvent pas répondre, on ne voit pas, même dans les chancelleries, qui lui échapperait. Pour nous, très humblement, nous confessons que nous ne comprenons plus ; et l’aveu que nous en faisons nous est rendu moins pénible par l’aveu réciproque que tout le monde nous fait. Les mêmes ministres de l’Entente, dont le dédain obstiné a contraint à la démission le pauvre M. Kalogeropoulos, ont estimé qu’ils ne pouvaient continuer à ignorer M. Lambros, sans doute parce qu’ils se fussent, en l’ignorant, donné l’air d’ignorer l’archéologie, ce qui, à Athènes, est mal porté. Ils lui ont donc rendu visite, et il n’en a été, nous dit-on, ou il n’en sera rien de plus. Mais il n’en a été et il n’en est encore rien de moins. Nous sommes obligés de faire nous-mêmes, par nos marins, la police de la ville, qui ne serait pas faite ou serait faite contre nous ; de tenir sous notre tutelle méfiante les ports et les forts de la côte ; de surveiller nous-mêmes les chemins de fer, les postes et les télégraphes; d’exercer nous-mêmes la censure, par crainte de l’allemand et pour l’amour du grec. L’amiral Dartige du Fournet est auprès du roi Constantin notre premier plénipotentiaire, et cette charge n’est point une sinécure, quoiqu’elle soit partagée avec un diplomate. Il vient, du reste, probablement, de mettre le doigt sur la pointe de l’abcès; s’il appuie, il le crèvera. Il n’a qu’à exiger que les débris de l’armée grecque qui se concentraient à Larissa, beaucoup trop près de Salonique, soient transportés et enfermés dans le Péloponèse, autour duquel notre flotte pourra monter sa faction. Pour ce qui n’en a pas été livré, il vaut mieux de toute façon être interné à Sparte qu’à Gœrlitz. Cependant, à Salonique même, le gouvernement provisoire a constitué son ministère, à qui rien ne fait défaut, fût-ce la tradition, que M. Politis lui apporte ininterrompue. Bientôt la seule Chambre qui ait eu une naissance légitime, celle qui fut inconstitutionnellement dissoute, y sera réunie. M. Venizelos, l’amiral Coundouriotis et le général Danglis recrutent, comme ils peuvent, dans les provinces et dans les îles, une armée de défense nationale, tandis que l’armée royale est empêchée de se lever, comme elle le devrait. Gouvernement provisoire à Salonique; gouvernement héréditaire à Athènes; qu’est-ce qui est