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pas moins que si les chefs militaires, assumant la responsabilité directe, doivent avoir le dernier mot, la solution raisonnable et sage doit être telle qu’elle combine, dans une juste mesure, le but élevé de la guerre, les idéaux des peuples, précisés d’avance par les pouvoirs civils, et, d’autre part, les nécessités de la « sécurité, » soit actuellement pour la guerre, soit futurement pour la paix, tels que seuls les états-majors peuvent en décider.


A un autre point de vue, l’œuvre de la diplomatie précède, éclaire nécessairement le travail des états-majors au moment de signer l’armistice : il s’agit de l’entente à maintenir fidèlement jusqu’au bout entre les alliés engagés dans la guerre. Il va de soi qu’aucune paix durable n’est possible, de la part d’une coalition, si cette entente n’est pas établie pendant la guerre et si elle ne se trouve pas fixée dans les termes d’un accord précédant l’armistice. Cet accord est l’élément essentiel de l’armistice lui-même, la source où il doit puiser, puisqu’il doit être l’expression, appliquée à la réalité, de la volonté commune des alliés.

Au traité de Westphalie, une des plus lourdes tâches de la diplomatie française fut de ne pas laisser se disjoindre l’entente entre les alliés. Les négociations se prolongèrent des années, en raison de l’espoir conçu par l’Espagne d’amener ses adversaires à une paix séparée. Avec une habileté singulière, les diplomates espagnols flattaient le gouvernement français et, en invoquant les liens de famille entre les deux couronnes (puisque Anne d’Autriche, régente de France, était fille des rois d’Espagne), ils offraient à cette reine de devenir l’arbitre de la paix. Mazarin retenait sa souveraine d’une main ferme. « Il ne me semble pas, écrit-il sagement au duc de Longueville, chef de l’ambassade française à Munster, que les Espagnols puissent avoir eu d’autres visées que de faire leur dernier effort pour donner jalousie de nous à nos alliés, et particulièrement à MM. les États (des Provinces-Unies)… » En fait, les Espagnols réussirent à obtenir une paix séparée de la République de Hollande, paix malheureuse qui contribua à prolonger la guerre de plusieurs années. La guerre n’a de sens que par la paix qu’elle produit : se séparer au moment de conclure la paix, c’est aliéner le sens profond de la guerre et se blâmer soi-même de l’avoir faite.

En 1814, la coalition qui vainquit Napoléon se prémunit,