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Oui, des couplets tout au plus, et parfois moins encore : des refrains, des traits vifs et courts, à peine des phrases ; comme qui dirait, en musique même, des « mots de soldat, » mais qui portent juste et frappent fort.

Pourtant il y a mieux, dans « l’annuaire » féminin, que l’aimable petite grognarde de Donizetti. Je ne songe point ici à la grosse Marion, cette autre brave fille, « la vivandière » de Benjamin Godard, mais à la délicieuse Clärchen, de Goethe et Beethoven : héroïne d’amour, et qui souhaite si crânement de l’être de guerre, aux côtés de son héros bien-aimé. Deux strophes, un lied en deux couplets, c’est assez pour chanter sa vaillance. Un autre, tout à l’heure, suffisait à sa mélancolie, et plus tard il ne faudra pas cinquante mesures pour accompagner, pour honorer sa mort. Feu de sons, mais que de musique, et laquelle ! Quel mélange, grâce aux deux modes, mineur et majeur alternés, du rêve et de l’action, du désir et de la volonté ! Quelle hardiesse, avec quelle élégance, en cette figure, féminine sans recherche et militaire sans trivialité, sœur moins farouche, mais aussi fière et plus fine, des amazones antiques et des wagnériennes walkyries. Sans compter qu’aujourd’hui nous lui trouvons, à l’humble héroïne, des raisons, hier imprévues, de nous charmer et de nous émouvoir. Elle en évoque une autre, de son pays, plus pure encore, plus noble, et puis, et surtout, véritable et vivante. Désormais, au-dessus de la petite bourgeoise de Flandre et par elle, c’est vers la jeune, l’héroïque reine, compagne également d’un héros, et sa compagne de guerre, que s’élève l’hommage de notre admiration et de notre respect.

« Ah ! que j’aime les militaires !  » Ce fameux refrain d’une de nos opérettes, notre opéra-comique pourrait le faire sien. Des militaires, voilà presque tout le personnel masculin du vieil et délicieux chef-d’œuvre de Sedaine et Monsigny, le Déserteur : Alexis, « soldat de milice, » Montauciel, dragon, et Courchemin, brigadier de maréchaussée. Courchemin n’a qu’un air à chanter, le dernier, qui raconte le dénouement et la grâce du coupable, accordée, comme on eût dit alors, par la clémence royale à la beauté suppliante. « Le Roi passait et les tambours battaient aux champs. » C’est un brillant tableau, non sans grandeur même, de revue ou de parade, avec, au centre, un épisode aimable et plein de sensibilité. Sensible, spirituelle