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côte britannique[1]. Ces transports d’allégresse devaient rester sans lendemain, par suite de la sévère leçon infligée par la flotte anglaise à ses adversaires. Ils servent du moins à éclairer encore une des faces de la mentalité germanique.

Les différens traits que nous venons de trouver si fortement marqués dans les mémoires militaires allemands s’accordent pour composer un tableau d’ensemble de la guerre actuelle, telle que leurs auteurs ont cherché à nous la représenter. Une nation pacifique, appelée subitement à la défense de ses biens les plus sacrés par une inavouable coalition de jalousies ; un peuple opposant à l’agression dont il est victime un irrésistible élan d’enthousiasme patriotique, une inébranlable confiance dans la justice de sa cause comme dans la valeur de ses soldats ; une armée modèle, unissant à la perfection de l’organisation matérielle le plus haut degré de discipline morale, et représentant l’instrument de guerre le plus parfait qui ait encore paru sur les champs de bataille ; en face d’elle, des adversaires désunis, défians, battus aux premières rencontres, incapables de prolonger longtemps une lutte à laquelle ils sont mal préparés : voilà l’impression que ces témoignages étaient destinés à produire, et qui se dégage d’une première lecture. Doit-elle rester l’impression définitive ? et la majestueuse façade qu’on nous présente ne recouvre-t-elle pas des fissures, des vices de construction et même des symptômes d’affaissement ? C’est aux intéressés eux-mêmes que nous allons le demander.


ALBERT PINGAUD.

  1. Thümmler, XIX, pp. 24-25 et XXII, pp. 4-6.