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mains des Hohenzollern les destinées et l’existence de son pays d’origine. Dans son enthousiasme pour une guerre qui rendra cette fusion possible, il en souhaite même une autre, destinée à réaliser, dans un demi-siècle, la réunion à la patrie commune « des Pays-Bas, du Brabant et de la Suisse[1]. » Agréable perspective et instructif avertissement pour les neutres ! — Tout en caressant ces rêves lointains, Bartsch jouit avec délices du présent, c’est-à-dire du spectacle de l’invasion dans la Belgique et la France du Nord. Il découvre partout des motifs de louange dans l’œuvre de l’armée d’occupation, repousse comme un remords la sympathie un moment éprouvée pour les Belges, dénonce comme un scandale l’expression d’animosité qu’il croit lire dans leurs yeux et leur reprocherait volontiers de ne pas savoir apprécier leur bonheur. Le sien serait complet sans une arrière-pensée dont l’amertume le poursuit malgré lui et représente la note comique de son livre. Malgré l’uniforme de capitaine de réserve autrichien dont il est revêtu, malgré les lettres de recommandation dont il était porteur, il n’a jamais réussi à être traité en égal par ces Allemands du Nord dans lesquels il était prêt à saluer les maîtres de sa race. Il n’a pu obtenir d’eux que les égards un peu dédaigneux que l’on témoigne à un domestique admiratif, s’il se tient à sa place. Il les adjure en terminant d’ajouter à leurs solides vertus quelques qualités aimables, pour se faire apprécier comme ils le méritent[2]. Et cette prière même représente un demi-aveu de tout ce qui leur manque.

Alors que Ganghofer, Sven Hedin et Hans Bartsch n’ont pris part à la guerre qu’en témoins officiels et intermittens, presque en curieux, d’autres écrivains, officiers de réserve, ont vu de plus près la vie intime du soldat. Leurs souvenirs sont toutefois d’inégale valeur, et les plus répandus ne sont pas les plus intéressans. Tovote par exemple, connu par ses nouvelles bavaroises, n’a pas quitté son dépôt, où il a exercé sa valeur contre des prisonniers et ses talens manœuvriers dans des parades d’enterrement. Aussi son volume s’intitule-t-il modestement : Dans une forteresse allemande en temps de guerre[3]. Un autre romancier, Hoecke[4], a commandé en rase campagne

  1. Bartsch, p. 38.
  2. Id., ibid., pp. 236-243.
  3. Heinz Tovote, Aus einer deutschen Festung im Kriege. Berlin, Ullstein.
  4. Paul Oskar Hoecke, An der Spitze meiner Kompagnie. Berlin, Ullstein.