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l’antagonisme fondamental entre la conception que les empires de proie se sont faite de la guerre et celle que s’en est fait le reste du monde. Qu’ils discutent les « buts de la guerre, » on ne prendra nul souci de leurs polémiques, tant qu’ils n’auront pas admis qu’il s’agit d’autre chose que des débouchés économiques de l’Allemagne, de l’expansion matérielle et matérialiste de l’Allemagne. Se bornant à cela, ils n’effleurent même pas le sujet. S’ils croient que leurs ambitions et leurs convoitises, grandes ou petites, l’achalandage de leur boutique, la vente de leur camelote expliquent et excusent l’effroyable boucherie, ils se trompent : plus ils insistent, plus ils irritent. Un tel manque de tact les rend haïssables et les isole du reste de l’humanité.

Ils ne s’aperçoivent donc pas que la raison humaine, toute la raison humaine (et la leur peut-être bientôt) répudie et répudiera ces « buts » mesquins et bas I Puisqu’ils ont déclaré la guerre au monde, le monde la leur fait pour les réduire à l’impuissance et refouler l’exemple et l’erreur de leur brutale insociabilité.

Comme des enfans gourmands et volontaires, ils troublent la maison par leurs cris, leurs exigences, leurs colères. Nous demandons une vie tranquille et noble, avec les plus hauts buts humains, la justice, la fraternité, la liberté ! Peuple jeune et de formation récente, de croissance trop prompte et mal réglée, ce gros garçon encombrant n’a pas encore compris tout cela. Il ne songe qu’à élargir sa place, fût-ce au détriment des autres. Il va s’apercevoir qu’il y a une règle pour tout le monde. Les Allemands ont besoin d’une correction, d’une leçon et d’une entrave. Un régime sévère, une autorité forte sont nécessaires pour leur apprendre à vivre. Ou ils céderont et se rangeront à la loi commune, ou ils s’obstineront dans leurs caprices et dans leur orgueil : en ce cas, les précautions seront prises pour les refréner à l’avenir. En un mot, il s’agit de leur inculquer la loi de la morale et des convenances internationales qu’ils ignorent encore. Il faut qu’ils changent de conduite et, pour cela, qu’ils changent de doctrine et de professeurs.

Renoncer aux instincts de rapine et de proie, au parjure et à la cruauté, c’est la première condition pour être admis dans une société civilisée.

Tenir compte de la vie et de la liberté des autres, c’est le premier principe de la justice.