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positions, plus disputées, au-dessous du Stockhod, où sont concentrés pkis des deux tiers des effectifs dont disposent encore, sur le front russe, les Austro-Allemands. Dans ces conditions, on comprend que la lutte soit âpre, longue et dure ; mais si Hindenburg y a enraciné ses Prussiens, Poméraniens et Brandebourgeois, Broussiloff et ses lieuterîans, Tcherbatcheff, Kaledine, Sakharoff, y peuvent puiser à pleines mains dans l’immense réservoir des peuples de Russie. Ce qu’on nous a dit jusqu’ici de la tournure que prend l’affaire est de bon augure. Le pire ennemi, c’est la saison ; mais elle n’est pas plus favorable, et elle l’est moins encore, aux Allemands qu’aux Russes.

L’armée de Salonique, dès qu’elle s’est mise à marcher, a marché très bien. Elle n’a guère enregistré que des progrès. Les élémens nationaux qui composent cette troupe bigarrée, comme disent, avec dédain les Allemands, rivalisent d’endurance et d’entrain : l’amalgame se découvre excellent, à l’user. Sur la Strouma, à l’aile droite, les Anglais, d’étape en étape, se fraient un chemin vers Sérès et vers Demir-Hissar, en nettoyant les bords du lac Tachyno. Au centre, au sommet de l’arc, sur les monts Bélès, le contingent italien du général Petitti, qui s’était heurté, dans un pays très difficile, à de grosses unités bulgares, attaque et avance de nouveau. A l’aile gauche, les Serbes, dévalant du Kaïmakcalan, les Français et les Russes, partis de Florina, tiennent les massifs et s’alignent à la même hauteur, vers KenaU, qui est dans la plaine, à douze kilomètres de Monastir. Les Serbes sont rentrés en territoire serbe, et l’on n’a pas lu sans émotion le communiqué du charmant et héroïque prince Alexandre, annonçant le commencement de reconstitution de son royaume par la conquête de sept villages. Mais si ressusciter la Serbie martyre est, pour tous les alliés, une tâche sacrée, et la première des tâches, ce n’est pas la seule qu’ils aient à remplir, et même ils n’auront sûrement accompli celle-là que lorsqu’ils auront accompli l’autre, militairement et pohtiquement la principale, qui est de briser la résistance des Empires du Centre, qu’ils doivent réduire à merci. La région obscure qui s’étend ou plutôt s’étage à la gauche de notre aile gauche, en un entassement de rochers, en un dédale de lacs déchiquetés et de sinueux cours d’eau, était pleine de mystère ; on ne savait pas ce qui pouvait s’y cacher, ni quels petits, albanais ou bulgares, les aigles impériales, à une tête ou à deux têtes, y avaient pu pondre. Le débarquement des Italiens à Santi-Quaranta, l’occupation de Delvino et d’Argyrocastro, du port de Pagania, en face de Corfou, la domination des routes, fort rares en ce pays, — où il