Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 35.djvu/955

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion

il l’a voulu. Il en a pris, soutenu et conservé tant qu’il l’a voulu l’initiative, la direction, la maîtrise. Il a atteint son objectif, qui était de forcer Mackensen à se tourner et à se retourner, à regarder de côté et par-dessus l’épaule, tandis qu’il était déjà violemment frappé dans la poitrine et dans le flanc. Si bien qu’en somme, à faire le total des résultats dans la Transylvanie et dans la Dobroudja, le compte de Falkenhayn s’établit, — nous ne disons pas qu’il se solde, car ce n’est pas encore le moment de la liquidation, — à peu près comme celui de Mackensen : des succès, oui, mais pas de victoire, et surtout pas de victoire décisive ; nulle part le dernier mot n’est dit, ni dans un sens ni dans l’autre, ni pour les Allemands, Austro-Hongrois, Turcs et Bulgares, ni pour les Roumains et les Russes ; nulle part le Destin n’a prononcé une sentence irrévocable ; tout est encore en question, et en balance, sinon en équilibre.

C’est parce que la partie n’est encore, et loin de là, ni gagnée ni perdue, parce que nous avons la ferme confiance qu’elle peut et qu’elle doit être gagnée par nos alliés, que, notant l’effort de Falkenhayn et de Krafft von Delmensingen vers la Tour Rouge, vers la passe de Vulkan, tout récemment, vers Fogaras et le cours supérieur de l’Aluta, nous répéterons ce que nous écrivions, il y a un mois, au lendemain de la déclaration de guerre de la Roumanie à l’Autriche-Hongrie et de la nomination de Hindenburg au poste, abandonné par Falkenhayn, de chef d’état-major général de l’armée allemande ; en fait, de généralissime des armées de la coalition : « Pensez à ce que deviendrait l’idole, si elle pouvait mettre hors de cause en quelques semaines cette Roumanie qui a osé jouer et braver l’Allemagne ! » Et pensez à ce que l’idole est prête à tenter pour demeurer une idole ou devenir un Dieu ! La trinité des fétiches germaniques, Hindenburg, Mackensen, Falkenhayn, va chercher en Transylvanie et dans la Dobroudja, au prix de sacrifices qui ne lui coûteront pas, une sanglante consécration.

L’enjeu en vaut la peine : il ne s’agit pas seulement, et même il ne s’agit pas d’abord, de la possession de la Transylvanie et de la Dobroudja ; il s’agit de tenir ouverte aux Empires du Centre la route Berlin, Vienne, Budapest, Sofia, Constantinople ; de tenir fermée à l’Entente la route Odessa, Bucarest ou les Dardanelles, Salonique. C’est, en effet, du « décisif » qui s’élabore là-bas ; en cela, Guillaume II a vu juste, s’il a vu trop vite ; et il ne faut pas nous en effrayer, mais il faut le savoir, et il faut y parer. Nous l’avons voulu ; nous avons voulu que la guerre, élargie, étendue à tout le continent,