Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 35.djvu/939

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
REVUES ÉTRANGÈRES

UN ROMAN DE GUERRE ALLEMAND
INTERDIT EN ALLEMAGNE


Inferno, par Edward Stilgebauer, ! vol. 8°, Bâle, librairie Frobenius, 1916.


Il y avait dans notre Lorraine française, avant le mois de septembre de l’année 1914, un tout petit village appelé Rosey. Peuplé d’à peine trois cents âmes, ce village n’en était pas moins une commune et une paroisse, avec un vieux curé nommé Jean Bonvisage et un maire, Pierre Bugnon, qui était en même temps tenancier du modeste Café du Raisin, l’unique cabaret de l’endroit. Après la destruction du fort de Troyon, pendant le second mois de la guerre, un bataillon prussien avait occupé Rosey ; et aussi comprend-on aisément que les trois paysans réunis, au lendemain de cette occupation, dans la grande salle du Café du Raisin, se soient souvent interrompus de leur partie de piquet pour échanger leurs impressions, — d’ailleurs toutes pacifiques, — touchant les officiers ou soldats boches qui venaient de leur être imposés comme co-habitans. Pareillement, le cabaretier-maire et sa jeune nièce, Jeanne Loisir, jugeaient sans trop d’amertume apparente le petit nombre de Boches qu’ils avaient eu déjà l’occasion de servir, — encore que leur souci principal semblât être d’aller constamment remplir, dans leur cave, un broc de cidre que vidaient, non moins constamment, les trois joueurs de piquet. (Et le romancier allemand qui nous raconte cette histoire ne songe pas un moment à s’étonner de cette consommation habituelle de cidre