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Depuis le début de la campagne, ce brave sert les deux mêmes mitrailleuses, l’une baptisée la « Sans-Peur, » l’autre la « Terreur aux Boches, » qui ont fait leurs preuves en Belgique, à Sedan, à la Fère-Champenoise, devant Reims, à la Boisselle, à Hébuterne, à Tahure, enfin à Verdun, où enterrées par suite d’un effroyable marmitage de gros calibre, elles durent être abandonnées provisoirement par leur personnel. Mais celui-ci, à coups de grenades, reconquit leur emplacement, repoussa l’assaillant, déterra les pièces et les remit en action pour le plus grand dam des Boches.

Nos ennemis eux-mêmes ont rendu hommage tant à l’efficacité de nos machines qu’à la bravoure de. leur personnel. Au mois de mars 1915, le Kaiser offrait une prime de 700 marks au soldat allemand qui s’emparerait d’une mitrailleuse française, montrant ainsi le prix qu’il attachait à cette capture. Et récemment, un correspondant de guerre des Dernières Nouvelles de Leipzig relatait un épisode émouvant de la grande bataille devant Verdun.

Deux bataillons allemands qui progressaient dans la partie occidentale du bois des Caures se trouvèrent arrêtés soudain devant la deuxième ligne de défense par un brave officier français qui, seul, enfermé dans un blockhaus avec une mitrailleuse, fit feu sans interruption sur les fantassins allemands. Comme ceux-ci, même avec leurs grenades à main, ne parvenaient pas à maîtriser ce combattant obstiné, il fallut recourir à un projecteur de flamme pour forcer le mitrailleur héroïque à arrêter son feu qui tenait en respect deux bataillons entiers. Quant aux mitrailleurs de nos braves alliés anglais, ils rivalisent avec les nôtres de hardiesse et de bravoure. On en peut citer pour exemple la conduite d’une équipe de Sud-Africains, servans de fusils-machines Lewis à l’attaque du bois Delville. Resté seul intact de tout le personnel, un mitrailleur continua son feu avec le plus grand calme jusqu’au moment où se produisit un enrayage : demeurant froid « comme un concombre, » dit un récit de cet exploit, il démonte partiellement l’arme, en réajuste le mécanisme, et la remet en action jusqu’à l’épuisement de la dernière cartouche : après quoi seulement, il se retire en emportant sa machine. Lors de la dernière phase de l’attaque sur ce bois fameux, au cours d’un combat acharné qui se livra, mitrailleuses contre mitrailleuses, les machines Lewis