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jonché d’innommables débris de bois, d’acier, d’armes brisées, d’équipemens épars, de membres sanglans, — disjecta membra, — de cadavres crucifiés, dont certains demeurent accrochés aux ronces barbelées, sinistres épouvantails !

Terre d’une grandeur tragique et d’une sublime horreur que seul un Victor Hugo saurait décrire, terre maudite et terre admirable ; terre stérile et terre féconde en moisson d’héroïsme, témoin des plus hideuses visions et spectatrice des plus belles choses ; terre désolée et terre merveilleuse ; terre d’abandon neutralisée par la mort et pourtant férocement gardée de part et d’autre ; terre inhospitalière et déshéritée, — et cependant, par un extraordinaire paradoxe, plus âprement convoitée, plus furieusement disputée qu’une terre promise d’une richesse fabuleuse, car sur cette lande étroite, morne, bouleversée, sauvage, farouche et sanglante, se dispute aujourd’hui le sort du monde ; car dans ce champ clos de l’horreur, des millions d’hommes sont aux prises ; car sur ce sol de tourmente, de dévastation et de mort, se déverse nuit et jour tout ce que la science de tuer et l’art de détruire ont produit de plus terrible !


Ainsi l’un des élémens qui contribuent le plus à faire la guerre longue, les défensives acharnées, les offensives sanglantes, c’est cette combinaison mitrailleuses et fils de fer. Plus encore que l’artillerie lourde, c’est elle qui retarde, entrave ou paralyse les attaques les mieux préparées, les plus audacieusement conduites.

Mais si les Allemands nous ont devancés sous le rapport de cette machinerie, nous avons su aujourd’hui les rattraper. Nos mitrailleuses répondent du tac au tac à leurs fusils-machines, et nos mitrailleurs se montrent aussi braves, aussi adroits, aussi acharnés que les servans des Maxims allemandes.

Ce dont nos engins et nos hommes sont capables dans la défensive, l’épopée sublime de Verdun nous l’a redit pendant des mois. « Nos feux de mitrailleuses et nos tirs de barrage ont arrêté net toutes les attaques de l’ennemi qui a laissé sur place des monceaux de cadavres, » admirable et réconfortante monotonie de nos communiqués !

Une relation semi-officielle a mentionné récemment une section fameuse, celle de l’adjudant J... glorieux anonyme.