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abords par les enchevêtremens tortueux et hérissés des réseaux barbelés. Le bois des Trônes, que nos amis anglais ont emporté après quatre jours de lutte sanglante pied à pied et d’arbre en arbre, en présentait un exemple extraordinaire. On l’aurait dit mis en état de défense par des équipes de braconniers, tant sa surface entière, truquée et machinée, se révéla garnie de redoutables pièges à hommes (man-trap) semée de collets d’acier, et tendue de toiles d’araignée en fils de fer épais attachés aux troncs d’arbres et se compliquant de l’imbroglio des racines. Déjà, au cours de leur première avance victorieuse, les Anglais avaient constaté, non sans stupeur, que certaines tranchées de vingtième ligne elles-mêmes étaient défendues par des fils de fer, au milieu d’un fantastique enchevêtrement de boyaux et de sapes, aussi serré que les ramifications d’une étoile de givre.

On conçoit tout ce que le franchissement de si redoutables clôtures représente d’efforts, de dangers et de sacrifices.


Obstacle invincible à la marche de l’infanterie, les réseaux de fils de fer doivent donc être détruits préalablement à toute attaque, A tout le moins, il faut y créer des brèches ou y ménager des passages. On peut y réussir par des groupes d’hommes qui rampent vers le réseau et en coupent les fils à la cisaille, ou qui y déposent des chapelets de pétards qu’on fait ensuite exploser à distance : l’un et l’autre moyen extrêmement hasardeux sous le feu d’un ennemi très proche. Encore faut-il ajouter que, même sectionnés, les morceaux de fil de fer demeurent en place et constituent un obstacle sérieux, et non sans danger : on a vu la simple piqûre d’une pointe de ronce artificielle occasionner par infection de graves blessures.

Le tir d’une mitrailleuse bloquée, nous l’avons dit, peut pratiquer un déblaiement, mais seulement sur une brèche étroite.

On a également essayé de lancer de la tranchée de départ au moyen d’un canon porte-amarre un grappin fixé à un câble d’acier, que l’on ramène ensuite en arrière au moyen d’un treuil ; mais outre que celui-ci est souvent difficile à installer, il arrive que le treuil cède, ou que le câble casse, ou que le grappin, en ratissant les fils arrachés, ramène jusque sur le parapet de la tranchée une masse de métal agglutiné extrêmement serrée qui constitue un nouvel obstacle. Le système ne peut d’ailleurs