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adverses se trouvent très rapprochées, les réseaux amis et ennemis arrivent au contact et ne forment plus qu’un enchevêtrement ininterrompu et indistinct. Toute troupe qui veut attaquer doit donc procéder au déblaiement de son propre système en même temps qu’à la destruction du réseau d’en face.

En arrière des premières lignes, les réseaux sont généralement renforcés, car on a pu les établir avec méthode, à loisir et à l’abri des vues, sinon des coups. Ceci explique que des attaques même menées avec une extrême vigueur se voient arrêtées après un premier succès, en se heurtant à des organisations de fils de fer très puissantes, et qui ont échappé partiellement aux effets de l’artillerie. Les réseaux établis à contre-pente, protégés par la forme même du terrain, constituent un obstacle particulièrement sournois et dangereux, parce qu’ils demeurent invisibles aux assaillans jusqu’à l’instant où ces derniers les abordent.

Les Allemands ont de nombreux boyaux garnis de fil de fer sur leurs deux faces, pour parer à un encerclement et en permettre la défense dans deux directions opposées.

Enfin, dans certaines de leurs tranchées de la Somme, on a trouvé le sol couvert de traverses de chêne où s’entre-croisaient des fils de fer très épais pour parer à l’usure du bois.

On a fait remarquer que dans ce système, avec l’extraordinaire complication et enchevêtrement des tranchées, boyaux, sapes et cheminemens, qu’enserrent des ceintures d’obstacles, la garnison des retranchemens se trouve en quelque sorte prisonnière de sa propre fortification. La fuite est à peu près impossible, car le soldat reste invinciblement adhérent au sol de la tranchée, où tout mouvement de repli par des zigzags étroits ne se fait qu’homme par homme et avec une lenteur infinie. Le tout peut donc être défendu même par des troupes médiocres, et l’on conçoit qu’une telle organisation ait pu germer dans le cerveau d’une armée dont les meilleurs élémens avaient été anéantis au cours d’opérations en rase campagne.

Quoi qu’il en soit, les combinaisons multiples auxquelles se prêtent la souplesse et la résistance du fil de fer pour semer des embûches traîtresses sous les pas des assaillans sont mises en œuvre par les Allemands avec une étonnante habileté. Qu’il s’agisse de points d’appui naturels ou de retranchemens créés de toutes pièces, leurs pionniers excellent à en protéger les