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rébarbatives se croisent et s’entre-croisent si bien qu’un chat ne saurait impunément s’y glisser.

Toutes les sortes et toutes les épaisseurs de fils de fer sont utilisées dans la guerre actuelle ; c’est ainsi que sur le front italien, l’accès de certains abris autrichiens creusés en caverne dans le roc était défendu par des fils de fer ayant l’épaisseur du petit doigt, et tendus entre des pieux constitués par des troncs d’arbre cimentés dans le sol. Autour de Pozières, dont nous avons signalé l’organisation formidable, on a recueilli des morceaux de fils tressés de cinq tiges aux pointes aiguës. Fils allemands et fils français sont d’ailleurs très semblables. Certaines maisons américaines fournissent indifféremment de la ronce artificielle à nous et à nos ennemis, selon les principes positifs du business d’outre-mer. En raison de l’énorme consommation qui en résulte, — le seul front occidental dépasse linéairement 800 kilomètres, — les prix des différentes variétés ont subi une hausse de 50 à 150 pour 100 ; cette élévation suit d’ailleurs celle de l’acier employé à sa fabrication ainsi que du zinc qui sert à la galvanisation. Le fil ordinaire et le zinc provenaient d’Allemagne, celle-ci ne risque donc pas d’en manquer ; chez nous et nos alliés, ce sont maintenant les mines de Broken Hill en Australie et les mines d’Amérique qui fournissent le métal nécessaire.

L’établissement d’un « réseau » régulier nécessite la plantation de poteaux bas qu’on enfonce dans le sol aussi solidement que possible ; les poteaux en bois étant facilement détruits par l’artillerie, on les remplace parfois par des piquets en fer, munis d’anneaux pour l’attache des fils. Cette mise en place méthodique ne peut se faire qu’à certaine distance de l’ennemi, car le bruit des maillets frappant sur la tête des pieux, malgré les tampons dont on les bâillonne, décèle fatalement l’opération à un ennemi vigilant, toujours aux aguets de l’œil et de l’oreille. Aussi, devant les premières lignes, l’installation se borne à celle d’un réseau de fortune, à cause de la nécessité d’y travailler la nuit et parfois sous le feu.

On fait alors usage soit de spirales à déroulement instantané (réseaux Brun), soit de « trébuchets « juxtaposés, et reliés entre eux : sortes de polyèdres confectionnés à l’arrière, dont quatre bâtons reliés entre eux par du fil forment les arêtes : le tout, portatif, se met aisément en place. Quand les tranchées