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couvrirent leurs tranchées par des réseaux établis à une centaine de mètres en avant du fossé, de manière à créer un glacis : les premiers élémens de fil de fer se reliaient à des pétards armés, et destinés à faire explosion si des éclaireurs ennemis venaient s’y heurter pendant la nuit.

Pendant la guerre russo-japonaise, l’usage des réseaux se multiplia, tant en Mandchourie que dans les opérations du siège de Port-Arthur. On y constata la grande résistance de l’obstacle aux effets des projectiles de l’artillerie, et on en conclut que celle-ci ne pouvait détruire les réseaux qu’avec une grande dépense d’obus et un tir parfaitement réglé. Mais la pauvreté de leurs approvisionnemens en munitions ne permit pas aux Japonais d’employer ce procédé coûteux : il leur fallut recourir à la cisaille à main. Au cours des travaux d’approche dirigés contre la colline 203, dont la cime et les pentes gazonnées constituaient la clef de Port-Arthur, les Japonais imaginèrent d’habiller en vert scarabée des hommes choisis comme volontaires, qui, en rampant avec de grandes précautions et se glissant dans les herbes, atteignaient le réseau ennemi et en sectionnaient les fils.

La valeur de cette défense accessoire ayant été ainsi mise en relief, l’enseignement fut aussitôt recueilli par les Allemands.

Or, un des principes de l’organisation germanique tant dans le domaine de la guerre que dans celui de son activité économique, — y compris le développement de la population, — c’est qu’une chose étant reconnue utile, on ne saurait trop en avoir : c’est le système du colossal. Aussi, pour défendre leurs territoires conquis, les Allemands ne se contentèrent pas de les entourer d’un gigantesque fossé ; ils en ont couvert de bout en bout les approches par un obstacle redoutable : les réseaux de fil de fer.

Qu’on imagine une vilaine plantation de piquets, hauts de soixante centimètres en moyenne, disposés en quinconce à quelques pas d’intervalle et reliés l’un à l’autre, de long en large et de bas en haut par un lacis de fils de fer simple ou barbelé, le tout le plus hérissé, le plus tortueux, le plus enchevêtré possible. Si l’on considère l’extrême ténacité ou résistance à l’effort d’un simple élément de fil tendu, on peut concevoir quelles entraves rencontrera la progression d’un être humain à travers ce filet monstrueux, dont les mailles aux pointes