Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 35.djvu/921

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de leurs soldats ; une arme meurtrière s’accordait avec leur instinct de destruction ; enfin la mitrailleuse s’annonçait comme l’arme de la surprise et de la traîtrise, deux « spécialités » bien germaniques.

Au début de la guerre, le grand nombre des mitrailleuses fut un des élémens de la supériorité allemande. Ils excellaient à embusquer l’arme derrière un mur, une haie, ou dans une meule de paille truquée, en masquant l’orifice du canon pour dissimuler la flamme. Depuis, la multiplication de ces engins leur a permis de suppléer dans une certaine mesure à l’usure du matériel humain.

Le dénombrement du butin conquis par les armes alliées sur le front franco-anglais fait ressortir le chiffre moyen d’une mitrailleuse ennemie capturée pour cent prisonniers pendant les mois de juillet et d’août. Au cours des grandes actions offensives de septembre, cette proportion a plus que doublé : elle apparaît très considérable, si l’on tient compte de ce que chaque engin saisi en laisse présumer un ou plusieurs autres anéantis.

Le développement croissant du nombre des fusils-machines Apparaît donc comme une caractéristique de la tactique défensive allemande, la ligne de ces engins constituant pour leurs tranchées une ossature aux élémens de plus en plus resserrés.

Quant à leur soldat mitrailleur, choisi avec soin et entraîné méthodiquement, on l’a instruit dès le début dans cette idée que son engin est irrésistible dans la défense ; en outre, tout en lançant mécaniquement, scientifiquement la mort, il peut contempler le spectacle de son œuvre destructrice de vies humaines, ce qui flatte ses instincts héréditaires de meurtre. Il faut remarquer qu’aucun servant d’une autre arme ne jouit du même privilège ; ni l’artilleur qui tire à longue portée, ni le bombardier aérien qui sème ses projectiles d’une grande hauteur, n’aperçoivent les effets de leur action : seul peut s’assimiler au mitrailleur l’équipage du sous-marin, qui lance une torpille portant au but, et assiste alors à l’agonie et à la mort de ses victimes.

Tous ces sentimens contribuent à donner aux mitrailleurs allemands, soldats d’élite, une mentalité et un orgueil particuliers. Ils font preuve au combat d’une réelle bravoure, et souvent d’un acharnement extraordinaire. Nombre d’entre eux ont fait le serment de se faire tuer plutôt que de se rendre, et