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MITRAILLEUSES ET FILS DE FER

La présente guerre, a-t-on dit, est une guerre de matériel 7 observation incomplète et caractéristique insuffisante, car le conflit gigantesque où s’affrontent les deux moitiés du vieux monde ne met pas en jeu seulement toutes les créations de l’industrie guerrière, toutes les ressources en matières et en hommes, toutes les richesses des nations belligérantes, mais encore toutes les forces morales des armées et des races : chez les combattans, lutte de résistance aux fatigues, aux efforts, aux sacrifices sanglans ; chez les peuples, lutte de patience aux épreuves, aux deuils, aux misères ; guerre d’usure, mais d’usure morale autant que matérielle, car les forces morales s’épuisent comme les forces physiques ; car les cœurs et les âmes s’usent au contact prolongé des souffrances, comme les canons au frottement répété des projectiles ; guerre où triomphera, suivant le principe posé par les Japonais, celui qui sera capable de tenir un quart d’heure de plus que l’adversaire, où le parti l’emportera qui aura poussé plus loin que l’autre l’esprit de sacrifice !

Mais si, pour déterminer la victoire, le facteur matériel n’entre pas seul en ligne de compte, il n’en joue pas moins un rôle considérable, grâce aux perfectionnemens incessans, et recherchés de part et d’autre avec une égale ardeur, dans l’art de tuer sous toutes ses formes, dans la science de détruire sous toutes ses faces.

Il en devait être ainsi, parce que la lutte s’est ouverte à une époque de merveilleux progrès scientifiques, parce que le terrible fléau a été préparé, voulu, déchaîné par une nation en