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de flanc. En effet, le Romain croit son heure venue, et se lance tête baissée à sa poursuite...

La route qui mène de Cortona à Pérouse s’engage, au Nord-Est du lac Trasimène, dans un étroit défilé, long d’environ neuf kilomètres, resserré entre le lac et les hauteurs qui le bordent. C’est là qu’Hannibal, sachant Flaminius à ses trousses, s’arrête. Il garnit de troupes bien dissimulées les hauteurs, place sa cavalerie en embuscade dans une vallée latérale commandant le premier étranglement du défilé, et attend l’armée romaine. Flaminius, emporté par la poursuite, donne dans le coupe-gorge. Dès qu’il y est engagé, tout le long de la ligne, une attaque d’une extrême violence se déclenche, de haut en bas, sur les Romains surpris en ordre de marche. Ce n’est pas même une bataille. C’est un guet-apens et une boucherie. La plus grande partie de l’armée romaine est anéantie sans pouvoir prendre ses formations de combat, ni faire usage de ses armes. Le bilan de la bataille se traduit par les chiffres suivans : du côté romain, 15 000 tués et autant de prisonniers ; du côté carthaginois, seulement 1 500 hommes hors de combat.


Cette fois, Rome commence à s’émouvoir. Le communiqué, qui ne contient que ces mots : « Nous avons perdu une grande bataille, » provoque une vive effervescence. La panique s’empare de la ville. Les trembleurs voient déjà Hannibal aux portes. A une situation si grave on apporte un remède exceptionnel. Comme faisaient les ancêtres aux jours de suprême danger, on décide de nommer un dictateur. On appelle à cette haute fonction un homme mûr, tranquille et taciturne, Q. Fabius Maximus Verrucosus, en lui adjoignant, comme général de la cavalerie, un homme plus jeune et plus ardent, M. Minucius Rufus. Fiévreusement, on forme deux légions nouvelles, qui, avec les troupes de Servilius, en grande partie intactes, serviront à Fabius à contenir Hannibal.

Celui-ci s’est gardé de marcher sur Rome. Fidèle au plan qu’il s’est tracé, il a opéré une conversion inattendue, et il a pénétré en Ombrie, puis dans le Picenum. Il met ces riches régions en coupe réglée et y refait son armée. Puis il redescend vers l’Italie méridionale, espérant détacher de Rome quelques villes alliées. C’est alors qu’il voit paraître sur son flanc, dans