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dans l’Italie centrale ou méridionale, et diviser la Fédération italique. Pour atteindre ce double objectif, Hannibal va déployer toutes les ressources de son merveilleux génie.

Ses adversaires ne voient pas aussi loin que lui. Même après le désastre de la Trebbia, la sérénité règne à Rome. Depuis longtemps, du reste, les gens renseignés colportent des racontars sur les difficultés inouïes qui assaillent Hannibal, et qui ne peuvent manquer de le paralyser. Les compétences affirment que son entreprise n’est pas viable. Le Sénat prépare selon ses us et coutumes la campagne qui va s’ouvrir. Le peuple élit comme consuls, pour 217, C. Flaminius et Cn. Servilius Geminus. On confie à chacun d’eux quelque vingt-cinq mille hommes pour défendre la péninsule : ce qu’ils font conformément aux traditions et aux règles. Servilius s’installe à Rimini, pour couvrir l’Ombrie et les passages de l’Apennin Ombrien. Flaminius prend position à Arezzo, pour surveiller les cols de l’Apennin Toscan. Tous deux savent bien, d’ailleurs, qu’Hannibal ne peut traverser autre part la montagne, les débouchés de l’Apennin Ligure étant théoriquement impraticables. Ils attendent de pied ferme le Carthaginois au premier moment où il peut apparaître, c’est-à-dire vers le mois de mai. Car ils savent bien aussi qu’on ne met pas une armée en marche avant la belle saison.

Malheureusement pour eux, Hannibal n’a rien d’un théoricien. Il se met en route à la première approche du printemps, c’est-à-dire au mois de mars ; et il s’avise, par un défi aux règles les mieux établies, de prendre précisément les chemins qui ne sont pas gardés. Il franchit la montagne au col de la Cisa, au Nord de Pontremoli, et pénètre en Toscane par la vallée du Serchio. Il doit surmonter, il est vrai, des difficultés incroyables. L’Arno, grossi par la fonte des neiges et les pluies du printemps, a inondé la plaine. L’armée carthaginoise chemine quatre jours dans l’eau. Les hommes et les chevaux périssent. Hannibal lui-même perd un œil à la suite d’une ophtalmie. Mais, malgré tout, il passe, et il parvient à Florence, sans que Flaminius, qui surveille toujours les passages de l’Apennin ait vent de rien. De là Hannibal continue vers le Sud-Est, dans la direction de Cortona et du lac Trasimène. Il menace ainsi l’Italie centrale, et les communications des consuls avec Rome. Mais il s’expose aussi, de la part de Flaminius, à une attaque