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les attaques frontales, s’efforçant de rompre en son milieu la ligne adverse, Hannibal doit ses plus grands succès à des attaques débordantes sur les flancs. On n’ignore pas non plus que cette tactique enveloppante est celle qui a, de nos jours, les préférences de la doctrine allemande. A la Trebbia, l’enveloppement se consomme par l’intervention de réserves puniques sur les derrières des légions. Celles-ci essaient de refluer vers leur camp. Mais la rivière, grossie par l’averse, leur oppose un obstacle insurmontable. Telle est du moins la version que rapportent les historiens nationaux : les crues imprévues fournissent souvent des justifications opportunes aux généraux malheureux ! Quoi qu’il en soit, c’est la débâcle. 30 000 légionnaires restent sur le champ de bataille.

Sur cette scène de carnage s’achève le premier acte du drame. L’attaque brusquée a réussi. Le bassin du Pô tout entier est à la merci d’Hannibal. Les Gaulois, enthousiasmés, s’insurgent en masse.


Le deuxième acte du drame occupe la plus grande partie des deux années suivantes (217-216). Hannibal, prenant la Cisalpine pour base, va pénétrer dans l’Italie péninsulaire. Mais il ne vise pas encore à frapper le coup décisif. La résistance romaine ne sera brisée que lorsque Rome sera prise. Mais on n’enlève pas une place de cette importance par un coup de fortune. Napoléon l’a dit : « On ne prend pas une grande ville au collet. » Il faut préparer et mûrir l’entreprise. Il faut, notamment, disposer d’une base plus accessible que n’est la Cisalpine, et, surtout, d’une base communiquant facilement avec Carthage par la mer. Il faut aussi relâcher les forces sur lesquelles Rome s’appuie. La fédération italienne ne peut être rompue tant qu’elle reste unie. Hannibal espère y semer la défiance et la discorde, en détacher certains élémens, et mettre en conflit les intérêts de Rome et ceux de ses alliés. Aussi affecte-t-il toujours de séparer et d’opposer leurs causes. Il affirme à tout venant qu’il veut affranchir l’Italie. Dans les principales cités il se ménage des intelligences ; il travaille surtout la plèbe ouvrière pour la dresser contre la bourgeoisie, fidèle à Rome. Tel est donc le double objectif, militaire et politique, des campagnes de 217-216 : gagner une nouvelle base