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intérêt exceptionnel d’actualité. Les annalistes qui l’ont composé, — Tite-Live et surtout l’admirable Polybe, — semblent avoir écrit hier. Nous surprenons dans leurs récits un accent de vie, qui ne nous frappait pas naguère au même degré. Sans doute, l’expérience de l’heure présente nous rend-elle leur témoignage plus familier et plus humain. Elle le rend aussi plus instructif. Nous nous en apercevons, des événemens remontant à vingt-deux siècles en arrière peuvent expliquer des événemens d’aujourd’hui. Ils les illustrent ; ils les commentent ; ils en expriment le sens et en éclairent les perspectives d’avenir. Peut-être même autorisent-ils des conclusions pratiques. Le général allemand von Verdy du Vernois écrivait naguère, dans ses Études stratégiques [1], à propos des campagnes d’Hannibal : « Qu’on n’aille pas dire : Les traits caractéristiques de ces campagnes sont tellement à part qu’on ne doit pas compter qu’ils se répètent jamais. Sans doute, cela est vrai, si on les envisage en bloc, dans toute leur étendue ; mais cela ne l’est pas si on les envisage un à un. En étudiant les guerres comme nous le faisons ici, on cherche avant tout à expliquer les conceptions stratégiques en fonction d’objectifs définis. On ne doit en aucun cas s’attendre à observer une concordance intégrale entre deux guerres, qu’elles soient séparées par vingt ans ou par deux mille ans. Pareille concordance, si on la rencontrait, constituerait une exception. Mais l’explication relative à des épisodes particuliers, une fois qu’on se l’est assimilée au point de n’avoir plus à se remémorer les faits sur lesquels elle repose, fournit un des moyens auxiliaires les plus efficaces qui soient de préparer pour son compte des opérations de guerre futures... » Ainsi la seconde guerre punique offrait au technicien allemand des leçons d’art militaire encore applicables aujourd’hui. On peut se demander, en l’étudiant, si ces leçons ne viennent pas de porter leurs fruits.


Remarquons d’abord la préméditation des agresseurs et la confiance de leurs adversaires.

La première guerre punique avait pris fin (en 241 avant Jésus-Christ) par la défaite et l’humiliation de Carthage. Or,

  1. Studien über den Krieg, III, 2, 1903, p. 36.